Luka ne dormait pas beaucoup, mais avec un plâtre à son bras, sa nuit fut plus qu'ennuyante. Prendre un somnifère ? C'était envisageable, il avait un stock plutôt bien rempli, mais il connaissait les effets de ses médicaments, et en aucun cas il en abuserait, sachant qu'il en deviendrait dépendant. Il passa donc sa nuit à arpenter les rues, une clope au bec. Il croisa quelques jeunes qui semblaient bien sympathiques, mais Luka n'était pas du genre à faire la causette, un simple bonsoir suffisait. Et il reprit la route. Il marchait pendant des heures, cela l'apaisait et le remettait souvent en question. Car ces temps-ci, il devait se ressaisir bien plus souvent suite à des cauchemars. S'il avait su qu'à encore quarante ans il en ferait, il aurait peut-être été d'accord de consulter un psychologue. Maintenant c'était une chose qu'il ne pouvait concevoir.

L'après-midi, Luka reçu un appel. D'un certain Anton. Ce n'est que quand il entendit Foster, qu'il comprit de qui il s'agissait. Le docteur Foster. Merde. L'ex-prisonnier lui avait laissé son numéro, mais jamais il aurait pensé qu'Anton prendrait contact avec lui, aussi récemment. Il allait devoir affronter cet homme qui portait encore des coups au visage. En raccrochant, Luka attrapa une boule au ventre, qui allait le poursuivre toute la soirée.

Luka arriva en courant au Fairway Place, il était en retard. Sa voiture était tombée à court d'essence et refusait de continuée la route. Un homme s'était montré aimable, l'aidant a pousser la voiture dans un endroit assez retiré de la civilisation. Après s'être excuser, il s'installa et commanda un café serré. Luka porta toute son attention sur le médecin, le bleu à son visage avait déjà changé un peu de couleur, mais il en était qu'au début.

— Comment allez vous depuis la dernière fois ? demanda le médecin.
— Bien... Luka n’allait pas s’éterniser sur son état d’esprit, il l’avait déjà suffisamment fait le jour de leur rencontre à l’hôpital, Et vous ? La jeune serveuse arriva avec leur commande sur un plateau. Luka la remercia et se reprit parole.
— J’imagine que vos collègues ont du se posé des questions... Dit-il en prenant sa tasse de café.

— Mais je crois que ça a plû à mes jeunes patients. Des blessures de guerre comme ils disent.

Luka fixa longuement le médecin. Ces jeunes patients. Il était quoi, au juste, ce type ? Un pédiatre ou s'agissait-il simplement d'un prétexte ? Jefferson le regardait toujours, au point de partir dans ses pensées et laisser entrevoir ce regard plonger dans le vide. Il ne cessait de penser à elle. Mon dieu qu'il avait été bête de l'a laissé derrière lui. Elle était l'unique personne ayant gardé contact avec lui autant pour son incarcération qu'à sa sortie. Elle avait été présente pour lui, lui étant d'une grande aide. Et lui comme un abruti, il a cru bon de l'éloigner de sa vie. Grave erreur.

— Vous êtes allé vous soignez vous ?
— Non. Je ne vois pas l’intérêt d’aller passer des heures à l’hôpital, alors qu’il suffit de se mettre une poche de glaçon sur le coup pour le faire dégonfler. Il fouilla dans la poche de son gilet pour sortir un paquet de cigarette à moitié vide. Allumant la sienne, il proposa son paquet à son interlocuteur avant de reprendre sa tasse de café. Pas terrible au passage.
— Si vous êtes venu dans l’espoir d’avoir des excuses, autant vous prévenir que je ne les présente jamais deux fois...

Effectivement, Luka s'était déjà excusé pour son attitude exécrable et violente envers ce médecin, mais pas question de répéter une seconde fois ses torts. Ce docteur n'était peut-être pas un taré comme les autres, mais il allait devoir le lui prouver. Bien qu'il soit déjà sur une bonne voie, il l'a invité, alors qu'il s'est reçu une multitude de coups. Pourquoi est-il là, au final ? Il y a bien une raison ?

— Pourquoi cherchiez-vous à me revoir ? Vous n’êtes pas homosexuel au moins ? Pas que je sois homophobe, mais histoire de ne pas vous donnez de faux espoirs.

Il est évident qu'il plaisantait. Ce médecin devait surement être un père de famille au côté d'une charmante épouse. Mais pas dans les bras d'une autre homme. Bien que rien ne le démontre...
Ce petit café n'était pas vraiment bondé, ce jeune couple à leur droite devait surement ce demandé ce qu'ils seront dans cinquante ans, alors que le vieux couple à leur gauche, était surement assoiffé de sexe, cela se voyait dans leur regard. Difficile de se réintégrer entièrement à une civilisation quand on ne l'a plus côtoyée depuis des années. Les seuls contact qu'il a eu durant ses dix dernières années ne représentaient rien de bon. Si ce n'est qu'une source de problème en plus.