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 n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen.

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Message(#) Sujet: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyJeu 29 Avr 2010 - 15:09

NEVER LET A GIRL COOK IN YOUR KITCHEN
STARRING SAVANNAH NEWHALL AND JOE COTTON.



Être social, ce n'est pas une tache facile. Il faut savoir répondre présent et surtout, savoir détecter les opportunités lorsqu'elles se présentent et ne pas les laisser vous filer entre les doigts. Savoir quand prendre la parole, savoir quand se taire. Savoir quand lécher les bottes, savoir quand foutre un pain dans le pif. En l'occurrence aujourd'hui, j'allais devoir me montrer docile comme une brebis mais à la fois m'avérer assez singulier pour faire comprendre à mes interlocuteurs que j'étais l'homme qu'il leur fallait. Cela pouvait sembler difficile à effectuer mais pas pour moi : l'hypocrisie et les fleurs à lancer ne me font pas peur. J'allais n'en faire qu'une bouchée de ces types. Seul bémol : nous allions sans doute, justement, pas avoir grand chose à nous mettre sous la dent si je ne trouvais pas rapidement une solution à la catastrophe qui venait de me tomber dessus.
Debout au centre de ma spacieuse cuisine, des gouttes de sueurs perlaient sur mon front tandis que, manches relevées et tablier autour de la taille, je bataillais, armé d'un torchon, contre la fumée noire qui s'extirpait de mon four. Mon saumon de Norvège venait de fumer. Fort heureusement, j'avais réussi à désactiver le détecteur de fumée juste à temps pour empêcher de voir débarquer toute une brigade de pompiers à mon domicile. Il est vrai que j'étais dans une fâcheuse posture mais pas au point de vouloir alerter toute la ville et risquer de voir annulé mon dîner de ce soir. Rien ne se mettrait en travers de mon chemin : j'allais accueillir ce riche promoteur d'immobiliers nommé Peter Bartholemy, sa femme et deux de ses collègues (dont un qui me faisait penser à Bart Simpson mais malheureusement, il ne serait pas judicieux de ma part de lui faire part de ma remarque, aussi pertinente soit-elle pourtant.). Au bout d'une quinzaine de minutes, je réussis cependant à taire les émanations qui ombrageaient l'intégralité de ma cuisine. J'étais sur les nerfs, j'étais déçu et inquiet mais toujours dans la course. Me hâtant vers mon téléphone portable abandonné sur l'accoudoir d'un sofa, je composais le numéro de mon traiteur habituel tout en me précipitant vers les fenêtres du salon que j'ouvrais grand. Le brouhaha de l'activité d'Apple Road investit alors ma maison mais ça m'était égal. Appuyé contre le rebord de ma fenêtre, mon regard flânait sur la route tandis que les « bip bip bip » de mon appel se répétaient. Enfin, au bout d'une minute d'attente, une femme décrocha. Sans lui laisser le temps de parler, je pris la parole. Coup d'œil à ma montre, il était dix-huit heures quinze.

– Il s'agit d'une urgence. Je veux un menu complet, vingt heures au plus tard. Je suis Joseph Cotton, Miami, Ocean Grove ... 
– Monsieur excusez-moi. Vingt heures, pour ce soir ?
– Non, pour hier soir (…) Bien sûr enfin ! Je viens de vous dire que c'était une urgence. 
– Avez-vous vu l'heure qu'il est ? Nous sommes à plus d'une heure de votre domicile en voiture, sans compter que la réalisation des plats prend au minimum deux heures.
– Est-ce que vous plaisantez ?! Je suis l'un de vos clients les plus fidèles, vous ne pouvez pas me dire que vous ne pouvez rien pour moi !
– Monsieur, je suis navrée mais il va …
– Ouais, bien sûr.

Lui raccrochant au nez, je sentis mon pouls battre à mille à l'heure au niveau de mes tempes. J'ignorais qui était la femme qui m'avait répondu mais je ne pouvais m'empêcher de l'imaginer pliée en quatre au fond de mon four, à côté de mon saumon cramé. Balançant mon smart-phone sur ma table de séjour, je fis de grands cercles dans ma pièce, essayant de me calmer et de me concentrer pour un plan B. Allais-je devoir tout reprogrammer et réserver une table dans un restaurant de la ville ? Ce serait franchement en ma défaveur étant donné que j'avais bel et bien assuré que j'étais un véritable cordeau bleu et que Bartholemy m'avait expressément fait part de sa joie de pouvoir découvrir mon espace personnel ainsi que mes dons culinaires. Mais c'était foutu, je cuisinai avec mes mains aussi adroitement qu'avec mes pieds. J'avais bien réussi à trafiquer des petits fours plutôt réussis en suivant minutieusement les consignes d'un livre de cuisine mais le plat principal faisait de la résistance. Ce fut alors au moment où je commençais à sérieusement craindre de devoir reporter le dîner qu'une révélation vint à moi. Non, plus exactement, ce fut une personne passant devant ma fenêtre qui sembla briller comme une évidence. Savannah Newhall. D'où venait-elle, que prévoyait-elle de faire ? Peu m'importait, elle allait devoir me donner un coup de main, et vite. A grands pas, je me mis à ma fenêtre et l'interpellais alors qu'elle était sur le point de franchir le portail de sa demeure. « Blondie ! Ne bouge pas ! » Sans plus attendre, je fis volte-face et me précipitais vers ma porte d'entrée, toujours vêtu de mon tablier, les cheveux en bataille et la chemise tâchée de suie. Je sortis sans fermer la porte à clefs et me dépêchais pour la rattraper. Nous nous étions quittés la dernière fois sur de très mauvais termes mais aujourd'hui, j'agissais comme si rien ne s'était passé. J'étais dans une posture bien trop délicate pour faire jouer mon égo. Me plaçant devant elle, forcé de baisser les yeux pour ne pas perdre son regard, j'affichai une mine pas très différente de celle que j'aurais pu aborder si j'avais dû lui annoncer la fin du monde pour dans dix minutes. « Dis-moi que tu sais cuisiner autre chose que des œufs au plat et des pâtes. » Je fis un signe en direction de ma maison sans perdre mon air débordé. « Je suis dans la panade. J'ai un dîner prévu dans moins de deux heures et j'ai fais flamber mon plat principal. » De toute évidence, je ne semblais pas prêt à lui dire le mot magique – à savoir « s'il te plaiiiit! » – mais ma nervosité et mon regard suppliant devaient bien suffire, non ?
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyVen 14 Mai 2010 - 22:51

Il y avait une activité que Savannah aimait particulièrement : faire les courses. Par-là, il ne fallait pas entendre une simple association au shopping, activité pour les filles, comme disaient souvent les stéréotypes. Si elle devait avouer aimer flâner dans les magasins, essayer des vêtements qu’elle ne pouvait pas toujours s’offrir, ce n’était pas cela qui lui procurait le plus de plaisir mais bien le moment où elle insérait une pièce dans l’interstice d’un caddie. Le tirer de sa file et le pousser vers les portes coulissantes du grand magasin le plus proche. Elle aimait l’ambiance particulière des parkings où s’entassaient les véhicules, quelle que soit la taille de ceux-ci. Elle aimait s’avancer lentement entre les rayonnages et parcourir du regard les étages des frigos, contempler la multitude de marques différentes pour les margarines et les desserts fruités. Il ne fallait pas y voir de la gourmandise ; ça n’en était pas réellement. Savannah aimait manger, oui, mais contrairement à d’autres choses, elle était plutôt raisonnable à ce niveau-là. Les kilos superflus étaient rapidement arrivés et s’en défaire n’était pas une mince affaire. Se délecter d’un repas imaginaire, en regardant les ingrédients, n’était pas une torture pour Savannah. Comment cela se faisait ? Elle l’ignorait. Elle n’avait jamais été une très grande mangeuse, malgré ses qualités de jeune cuisinière.
Ce jour-là, ses emplettes étaient au minimum. Elle avait juste acheté de quoi remplacer ce qui était sur le point d’être complètement consommé. Pas d’extravagance, rien qui puisse la tenter ou la pousser à grignoter devant sa télévision – même si le fait qu’elle n’avait que quelques chaines ne la poussait pas à s’attarder devant l’une ou l’autre émission. De toute manière, elle avait perdu l’habitude de se poser devant un écran, ses nombreux voyages l’ayant poussée vers d’autres activités. Depuis son retour, elle n’avait pas encore trouvé de quoi s’occuper réellement, sa tête ressemblant au chaos qui régnait dans la maison familiale toujours en chantier. Elle ne parvenait pas à s’installer en bonne et due forme, elle n’arrivait pas à se mettre dans la tête qu’elle ne bougerait probablement plus et qu’il fallait qu’elle aménage les lieux à sa façon, pour s’en faire son foyer. S’installer signifiait assumer cette sédentarité. S’installer signifiait devoir vivre avec la culpabilité d’être partie si longtemps et n’avoir jamais été là pour ses grands-parents quand ils avaient besoin d’elle. Un sentiment qu’elle ne parvenait pas à gérer même si elle était parfaitement consciente de le mériter.
En sortant du petit supermarché, Savannah vérifia qu’elle avait bien acheté tout ce qu’elle avait soigneusement noté sur sa liste. Si elle pouvait être désordonnée à bien des égards, il y avait quelques manies dont elle ne parvenait pas à se détacher : celle de faire une liste du moindre ingrédient nécessaire, par exemple. Il lui arrivait d’y réfléchir, puis de penser à autre chose et au final, elle oubliait toujours quelque chose d’essentiel alors, pour palier à ce défaut, elle avait pris cette habitude. Satisfaite de voir qu’elle ne devrait pas faire un autre magasin pour compléter sa liste, elle fourra la liste dans le sac, parmi ses achats, et reprit le chemin du retour.
Quand elle avait quitté Ocean Grove, ce n’était pas parce qu’elle voulait fuir la ville – bon, okay, il y avait un peu de cela, mais ce n’était pas réellement la ville en elle-même qu’elle souhait quitter mais plutôt le cocon familial dans lequel elle vivait et dans lequel elle avait l’impression de suffoquer. Elle s’en voulait d’avoir été si éprise de liberté, elle avait manqué les dernières années de ses grands-parents à cause de son impatience et maintenant, elle était seule, isolée, loin de ces gens qui avaient appris à vivre ensemble et qui, dès lors, se côtoyaient, se saluaient, existaient l’un pour l’autre. Elle, elle n’existait pas et lorsqu’elle existait pour quelqu’un – une seule personne, en réalité – elle souhaitait que ce soit le contraire, qu’elle n’ait jamais rencontré son regard vif et déstabilisant. Son attitude moralisatrice et provocatrice. Son allure charismatique et imposante, dominatrice. Elle se refusait à y penser, la plupart du temps mais voilà, lorsqu’elle passait devant la maison de l’architecte, comme à cet instant précis, elle pouvait difficilement oublier l’existence de son cher voisin, ancien bourreau qui avait repris sa place privilégiée dans la vie de Savannah.
Il y avait peu de chance pour qu’ils se croisent – elle pouvait compter sur les doigts d’une main les fois où elle était tombée nez-à-nez avec Joe -, encore moins qu’ils s’adressent la parole et pourtant, ce jour-là, alors qu’elle se dirigeait vers chez elle, bien forcée de passer devant chez lui, elle entendit le son de sa voix, son ton caractéristique, s’élever et l’interpeller. Comment expliquer ce qui la traversa en entendant le doux surnom de « Blondie » être lancé à travers le jardin qui décorait le devant de la maison. Venant de quelqu’un d’autre, Savannah l’aurait peut-être pris différemment mais voilà, il s’agissait de Joe et sa façon de lui donner ce genre de sobriquet ne lui plaisait pas du tout, tout comme le fait qu’il s’adresse à elle tout court. Elle était déjà presque en sécurité chez elle, quelques pas seulement la séparaient du seuil de sa maison. Elle aurait pu feindre la distraction, ne pas l’avoir entendu et fermer rapidement la porte sur elle. Il y aurait beaucoup moins de chance pour qu’il n’insiste si elle était chez elle. Mais si vous avez déjà eu l’occasion – ou le malheur – de parler, ne serait-ce que cinq minutes, avec Joe Cotton, vous comprendriez qu’il suffisait d’une interpellation pour être déstabilisé. Elle ignorait s’il le faisait exprès ou si c’était inné chez lui mais le résultat était le même : au lieu d’accélérer le pas, elle s’arrêta et tourna instinctivement la tête vers la maison voisine pour voir la haute stature apparaitre dans l’encadrement de la fenêtre ouverte. Il disparut presque aussitôt et, au lieu de profiter de cet instant, Savannah resta bloquée là où elle était, interloquée, les sourcils légèrement froncés, reportant son attention chez son voisin lorsque celui-ci apparut à l’air libre, dans un état qui surprit Savannah. Jamais elle n’aurait imaginé voir Joe dans une tenue pareille et c’est peut-être parce qu’elle ne parvenait pas à dissimuler sa stupéfaction qu’elle resta sans bouger jusqu’à ce qu’il l’ait rejointe. Visiblement, quelque chose l’ennuyait profondément, chose rare voire impossible aux yeux de Savannah. Il respirait la confiance en soi, il diffusait une telle aura de perfection, comme si tout lui tombait dans la main sans le moindre effort.
- Dis-moi que tu sais cuisiner autre chose que des œufs au plat et des pâtes.
Ce n’était certainement pas les salutations auxquelles elle s’attendait, mais elle n’eut pas vraiment l’occasion de le lui faire remarquer, il était parti, focalisé sur sa personne, comme d’habitude. Ce qui laissait Savannah pantoise, c’était le fait qu’il avoue sa détresse, qu’il ose confesser son plat complètement raté, à elle. Savait-il à qui il s’adressait ? Ou était-il à un tel point dans les ennuis qu’il s’asseyait sur sa fierté pour appeler au secours ? Elle attendit la suite.. qui ne vint pas. Elle n’était pas certaine de comprendre où il voulait en venir. C’était pourtant évident mais comme cela venait de Joe, cela pouvait tout aussi bien être une façon de plaisanter et dès qu’elle aurait sauté à pieds joints pour lui venir en aide, il la remettrait à sa place d’une réplique bien ajustée. Aussi, méfiante, elle posa le sac qui pesait lourd, à rester immobile comme ça, à ses pieds et elle croisa les bras sur sa poitrine, les clefs cliquetant entre ses doigts.

« Je sais faire autre chose que des œufs et des pâtes oui… Et c’est dommage pour ton plat. Il ne te reste plus qu’à trouver un bon traiteur, j’imagine mais je n’en connais aucun, désolée. »

Elle esquissa un sourire désolé – et sincère, même s’il pourrait croire le contraire – et se baissa pour attraper le sac qui contenait ses courses. Elle lui adressa un dernier regard, incertaine de savoir quelle attitude adopter et poussa le portail de son jardinet. Il avait vraiment le don de lui donner l’impression d’être nulle en interactions humaines. Fuir. Fuir était la meilleure option pour elle, peut-être pas pour d’autres mais elle ne voyait pas d’autres solutions que d’éviter le contact de Joe. Jusque là, elle y était plutôt bien parvenue, non ? Il suffisait qu’elle garde le cap qu’elle s’était fixé, ce ne devait pas être si compliqué que ça, si ?
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyLun 17 Mai 2010 - 0:02

Je percevais parfaitement la surprise et la méfiance dans le regard de Newhall. Elle était une personne intelligente et j'avais appris depuis nos retrouvailles qu'elle était aussi quelqu'un de difficilement impressionnable. Pourtant, mon attitude envers elle n'avait pas changé d'un pouce : elle était toujours à mes yeux la petite frimousse que j'adorais tourmenter et rendre dingue. Nous ne nous croisions plus beaucoup ces derniers temps mais cela ne voulait pas dire que je ne pensais pas à elle de manière régulière. Rien de pervers, pour une fois. Elle était d'avantage une sorte de « colonne », une constance dans ma vie plus que turbulente, celle qui réussissait à me remettre les pieds sur terre lorsque je divaguais un peu trop. Elle n'en avait nullement conscience, bien sûr, mais à chaque fois que j'avais l'occasion de la taquiner, c'était une façon pour moi de « revenir aux sources », de redevenir moi-même, à savoir : un trublion inoffensif. Inoffensif, mot clef. Jamais je n'avais poussé le vice jusqu'à blesser physiquement Savannah et je ne le ferai probablement jamais : elle était bien trop précieuse, presque vitale à mon équilibre ces derniers temps. A ses dépends et à son plus grand regret, certes, mais elle l'était.
Je venais donc de l'interpeller d'une façon tout à fait inappropriée et la fixai à présent avec insistance et, bien sûr fidèle à moi-même, sans ressentir la moindre gêne. J'étais en pleine situation de crise et n'avais donc absolument pas le temps d'éprouver le moindre scrupule envers elle (non pas que j'en ai déjà eu à son égard mais aujourd'hui, j'avais au moins une excuse valable). Les mains sur les hanches, juste au dessus de mon tablier de cuisinier raté, le visage toujours crispé par la tension, j'observai ma voisine avec consternation lorsqu'elle finit par me répondre. Un traiteur ? Avait-elle réellement en tête l'idée que je puisse avoir oublié cette solution ? Hochant la tête, tout de même légèrement satisfait d'avoir reçu (en partie) la réponse que j'attendais, je m'approchai d'elle et, effectuant une petite courbette pour atteindre le sac de courses qu'elle venait de poser sur le trottoir, lui répondis. « A cette heure-ci, aucun ne sera disponible à temps. Et j'ai pas le numéro des elfes du Père Noël dans mon répertoire. » Me redressant et lui adressant un sourire engageant, le visage lumineux, je poursuivis sans trop lui laisser le choix. « Donc tu vas m'aider, très chère. Entre voisins, c'est ce qui se fait, non ? » Haussant les sourcils, je détournai le regard pour le poser à l'intérieur du sac que je venais de récupérer sans son autorisation et analysais le contenu. Des aliments de bases et autres ingrédients comestibles – Savannah était véritablement un ange tombé du ciel ! « Parfait tout ça.» Faisant volte-face, je me mis déjà à avancer en direction de ma maison mais m'arrêtai soudainement, craignant que la jeune femme soit en proie aux doutes que la plupart des gens médiocres ressentent dès qu'ils se font inviter pour la première fois chez quelqu'un qui n'a pas toujours su vous montrer son affection. Je venais de prendre en otage ses courses après tout, elle serait donc dans son droit pour ne pas se sentir en confiance. Je ne prétends pas là que Savannah soit quelqu'un de banal mais le petit air plein d'appréhensions qu'elle aborde toujours lorsque je suis dans les parages ne m'avait pas le moins du monde échappé. J'avais donc bien intérêt à la rassurer … Mais comme ceci n'est pas forcément mon point fort, j'allais devoir la persuader par d'autres moyens. Me retournant de moitié, je lui lançai par dessus mon épaule ces quelques mots qu'elle prendrait probablement mal mais qui ne manqueraient pas de la faire se joindre à moi, j'en étais persuadé. « Je te rembourserai les courses. Et je te payerai aussi pour ton aide. » Du chef, comme si l'affaire était conclue alors que ce n'était pas forcément le cas, je désignai ma porte d'entrée comme pour l'inviter à me suivre. Je repris alors ma marche et actionnai la poignée une fois arrivé devant ma demeure. J'entrais en premier et gardai la porte ouverte en la retenant de mon pied, les bras trop chargés pour le faire avec mes mains. « Je t'en prie. » Il était possible qu'elle ait l'impression de se jeter dans la gueule du loup et j'en avais pleinement conscience mais je ne pris même pas la peine de paraître moins froid. Je lui avais suffisamment souris pour l'attirer jusqu'ici, je n'allais pas non plus afficher un air béat non-stop pendant les deux heures à venir. De toute manière, elle me connaissait assez depuis le temps pour savoir qu'elle n'avait aucune raison de sérieusement craindre quoique ce soit de ma part. Je ne pourrais retenir quelques critiques, paraître parfois offensant mais rien de nouveau pour elle … Du moins, je l'espérais parce que même si je comptais faire des efforts, je savais qu'il y avait des choses dans mon comportement que je ne saurais changer, pour la simple et unique bonne raison que je ne voulais pas changer. Je m'accrochai donc à l'espoir que Savannah ne m'en tienne pas rigueur, espoir qui m'étais conforté par l'idée qu'elle aurait déménagé depuis belle lurette si elle en avait réellement assez de moi et de mes remarques déplacées. En effet, une partie de moi avait la certitude que la jeune femme tenait, d'une manière ou d'une autre, tout comme moi, à notre relation dérangeante, agaçante mais toujours franche et surprenante.
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyLun 17 Mai 2010 - 23:19

Une bouffée d’air s’installa dans sa poitrine lorsqu’elle comprit que la fuite ne suffirait pas. Il lui faudrait refuser d’aider Joe. Le souci, et elle en avait bien conscience, c’est qu’elle ne s’en sentait pas capable. Aussi odieux soit-il, il parvenait toujours à ses fins, à la dominer même si, dans ce cas-ci, il aurait dû être celui qui était en position inférieure. Pas un instant il n’avait dû se demander si elle n’avait pas quelque chose – de mieux – à faire. Pas un instant il ne devait lui être venu à l’esprit qu’elle avait une vie, elle aussi, et qu’elle n’était pas présente pour lui être utile quand bon lui semblait. D’accord, il semblait vraiment avoir besoin d’elle, elle ne l’avait jamais vu dans cet état et il devait lui en coûter de faire cette démarche mais cela suffisait-il ? Pas vraiment. Elle n’avait rien de prévu, elle l’avouait. Elle ne devait pas garder Mia donc elle n’avait, en soit, rien à faire et était donc tout à fait libre d’aider Joe à s’extirper d’une situation aussi stressante. Était-elle disposée à remplacer une soirée avec un bon bouquin pour passer dans la cuisine du jeune architecte, ça c’était une autre affaire. Il lui en coûterait de se mesurer à lui, il lui en voudrait si elle l’abandonnait alors qu’il semblait vraiment avoir besoin d’elle. La laisserait-il en paix s’il était en colère ? Savannah l’ignorait, elle n’avait jamais eu droit à une rancœur de la part de Joe tout simplement parce que ça aurait été se montrer faible vis-à-vis d’elle, sûrement. Pourtant, elle n’avait pas envie d’expérimenter cela, elle n’avait pas envie de l’abandonner là, à son triste sort. Elle savait que si elle agissait ainsi, elle pourrait rentrer chez elle, oui, mais la culpabilité la rongerait toute la soirée et elle s’imaginerait toutes sortes de choses, se rendant malade inutilement. Oui mais céder aussi facilement ne l’enchantait pas non plus. Ce serait lui montrer qu’il avait raison de se tourner vers elle dès qu’il était dans la panade, ce serait le conforter dans l’idée qu’elle était là quand il en avait besoin et que pour le reste, elle était juste bonne à servir de souffre-douleur. Dilemme, donc.
Le fait qu’il ait pris son sac de courses en otage ? Un détail. Elle n’avait pas réellement besoin de ces produits dans l’immédiat, c’était juste histoire de s’occuper et de ne pas se retrouver à court, dans quelques jours. Elle préférait faire ses corvées quand elle avait tout son temps plutôt que d’être obligée de s’habiller pour sortir, ce qui était loin d’être stimulant. Elle n’aimait pas faire les choses contre sa volonté et ce, depuis toujours. Ses grands-parents le savaient, ils l’avaient expérimenté. Elle avait fait ce qu’elle voulait et elle avait encore le choix d’agir égoïstement aujourd’hui, d’envoyer Joe sur les roses et de rentrer chez elle. Un instant, elle se dit qu’elle aurait aimé pouvoir s’en contreficher, retourner à ses occupations sans s’inquiéter de ce qui pouvait bien arriver à son bourreau. Mais même si son égoïsme était une part d’elle-même, elle savait aussi qu’elle ne pouvait pas être comme ça. Elle ne pouvait plus être comme ça. Pour la mémoire de ses grands-parents, elle se devait de changer et de devenir une jeune femme dont ils auraient pu être fiers, ignorant qu’ils l’avaient été, malgré tout, qu’ils avaient admiré sa foi en elle-même et sa volonté indéniable de se débrouiller et de découvrir d’autres mondes. Alors, oui, pour ses grands-parents, Savannah envisagea d’accéder à la demande de Joe, d’oublier – si c’était possible – tout ce qu’il avait pu lui faire subir par le passé, le temps d’une soirée. Ce devait être faisable, non ?
Elle le jaugea, cherchant à déceler dans son regard ce petit quelque chose qui pourrait la convaincre de le laisser à sa misère, ce petit quelque chose qui lui ôterait tout soupçon de culpabilité. Elle ne le trouva pas. Gardant cette attitude distante et sur la réserve, elle ne répondit pas, le laissant poursuivre, ignorant la remarque sur les elfes du Père Noël. En temps normal, elle aurait peut-être souri à cette réflexion mais il s’agissait de Joe et il était en train de décider ce qu’elle allait faire de sa soirée, ce qui ne l’amusait pas du tout. Elle serra distraitement les dents lorsqu’il jeta un coup d’œil dans son sac. Étrangement, le geste pourtant anodin et tout à fait normal lui donna l’impression qu’il empiétait sur sa vie privée, comme s’il lui volait un bout de son intimité en détaillant ce qu’elle avait acheté. C’était stupide, il ne s’agissait que de quelques bricoles mais comme il s’agissait de Joe, ce ne pouvait pas sembler anodin. Le moindre détail de la situation était exacerbé lorsqu’il était inclus dans le paysage. Il s’exclama que c’était parfait et se détourna, comme si l’accord était conclu. Elle n’avait pas ouvert la bouche et ne le fit que pour laisser échapper le soupir qui lui obstruait la poitrine. Elle sentait qu’elle allait le regretter, qu’au lieu de lui faire perdre l’ascendance qu’il avait sur elle, elle lui permettait d’en gagner encore davantage mais elle était tout simplement incapable de lui refuser quoi que ce soit. Perdue dans l’engrenage de ses pensées, elle n’en fut tirée que parce qu’il lui parlait encore, d’un peu plus loin, cette fois, comme il était à mi-chemin entre elle et la porte d’entrée de sa maison.
Il lui était déjà arrivé d’imaginer l’intérieur de la maison de Joe. Depuis qu’elle avait appris qu’il était architecte, il lui était même arrivé trop souvent d’essayer de visualiser l’intérieur, se demandant s’il avait bon goût en matière de décoration, si l’endroit était spacieux et agrémenté de meubles hors de pris. Elle ne s’était pas arrêtée à ça, mais lorsqu’elle déviait, essayant de l’imaginer vivant avec sa petite amie ou sa femme, elle s’efforçait de revenir à la raison, cherchant une activité quelconque pour ne pas l’imaginer avec une femme tout court. C’était trop troublant, trop improbable. Troublant pour elle, elle ne savait pas trop pourquoi, mais improbable, à ses yeux, qu’une femme daigne supporter le caractère odieux de Joe. Il aurait fallu être bien idiote pour accepter ses remarques blessantes et son dédain constant. De toute façon, ce n’était pas son problème, il y en avait pour tous les goûts, après tout. Et aujourd’hui était un jour à part : elle avait l’opportunité d’assouvir l’une de ses curiosités, elle avait l’opportunité de découvrir l’intérieur de la maison de Joe et, avec cette seule idée réconfortante – un moyen comme un autre de se convaincre qu’elle n’agissait pas pour d’autres raisons – elle se laissa aller à le suivre, ignorant sa remarque concernant le paiement. Elle se contrefichait d’être payée, en réalité. Elle ne l’aidait pas pour voir quelques billets verts lui atterrir dans la main. D’ailleurs, elle ne voudrait sûrement pas de son argent, par principe.
- Je t’en prie.
Les yeux noisette de la jeune femme se focalisèrent sur la silhouette de Joe et elle inspira profondément avant de laisser un soupir de reddition s’échapper. Finalement, son choix était fait depuis un moment déjà alors il était inutile de chercher une excuse pour retarder le moment où elle se mettrait en action pour tirer Joe de ce mauvais pas. Abandonnant les dernières barrières, elle suivit Joe dans la pénombre de la maison, le cœur étrangement bouleversé par les événements. Tout s’était passé trop vite. Une poignée de minutes plus tôt, elle rêvassait à d’autres choses et était sur le point de rentrer et maintenant, elle était dans la maison voisine, découvrant avec une admiration mal dissimulée les lieux, comme si elle se trouvait dans un musée. L’endroit semblait emprunt d’une aura particulière et si elle savait que ce devait être probablement dû au fait qu’elle était cernée par Joe, même si ce n’était que psychologiquement, elle ne parvenait pas à calmer les battements de son cœur. Elle était entrée chez lui, dans sa vie privée, comme il était rentré chez elle, quelques semaines plus tôt, ne cherchant même pas à dissimuler l’amusement à voir le chantier qu’elle avait créé. Elle, malheureusement, en traversant ce couloir, elle ne pouvait qu’admirer le goût de Joe.
Elle le suivit en silence jusque dans la cuisine et se dirigea automatiquement vers le frigo pour en ouvrir la porte et découvrir le contenu, cherchant une idée de plat à concocter assez rapidement tout en restant raffiné. Elle ne savait pas trop ce qu’il attendait de sa cuisine mais espérait d’un côté qu’il ne visait pas trop haut. Elle savait cuisiner, oui, mais elle n’avait jamais rien étudié. Elle avait simplement appris au contact de cultures différentes, assimilant à chaque fois leurs spécialités. Ce devait certainement être là sa seule force.
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyLun 31 Mai 2010 - 15:11

Le flottement d'hésitation qu'eut Savannah avant de se décider à entrer fut prévisible : c'était une invitation aussi impromptue qu'inédite, il y avait de quoi avoir des réticences mais je ne paraissais pas pour autant désireux de la rassurer et déployer maints signes de politesse pour la faire se sentir la bienvenue. Je comptais sur mon intérieur pour faire tout le boulot : raffiné autant qu'à la pointe de la modernité, d'un rangement millimétré et d'une propreté étincelante, chaque recoin de ma demeure (ou presque) ressemblait à un intérieur de maison témoin pour un magasin de décoration d'intérieur. Ponctué de certains objets atypiques (une grande lampe en forme de girafe dans un coin de la salle de séjour, un tableau représentant une radiographie d'un buste humain ou encore un télescope planté près de ma baie vitrée), ma personnalité brillait suffisamment pour que je me sente pleinement à l'aise dans mon espace personnel. Bien sûr, je ne pouvais pas prétendre que laisser Savannah pénétrer dans mon intimité de la sorte me laissait de marbre : je ressentais une certaine appréhension, presque un agacement mais je n'avais pas la possibilité d'y échapper donc je me contentais de ne rien laisser paraître, de la laisser avancer dans le lieu que très peu de mes voisins avaient eu l'occasion de visiter. Après le nombre de fois où j'avais eu le droit de rentrer chez elle lorsque nous étions petits et ma dernière intrusion en date chez elle il y a quelques semaines, je pouvais au moins faire l'effort de lui rendre la pareille. De toute manière, tant qu'elle restait au niveau du rez-de-chaussé et ne montait pas jusque ma chambre, il n'y avait aucune raison pour moi de m'inquiéter. Arrivé à cette conclusion qui me détendit, je réussis à la guider jusqu'à la spacieuse cuisine ouverte qui, malheureusement, se trouvait dans un état proche d'une plage de débarquement. Mon saumon au cœur du désastre continuait à fumer piteusement dans les quelques perles de sauce qui brillaient, vaillantes, dans son plat. Je ne pus m'empêcher de grimacer en revoyant s'étaler devant moi mon cuisant échec et ne remarquai donc qu'au moment où Savannah avait déjà le nez dans le frigo qu'elle m'avait devancé et semblait déterminée à m'aider. La vision qu'elle venait d'avoir lui avait sans doute produit un élan de pitié envers moi … Tenté par l'idée de m'asseoir sur l'une des chaises hautes disposées derrière le plan de travail de la cuisine et la regarder faire tout le boulot, je fis pourtant l'effort de la rejoindre pour l'aider au moins à trouver les ingrédients ou juste une idée de base. Je lui faisais relativement confiance, c'était vrai, mais pas au point de la laisser s'occuper seule de ce qui devait être « mon » dîner. Je ressentais le désir brûlant de contrôler les choses, encore et toujours. Je vins donc auprès d'elle et me tenais juste derrière elle. Grâce à ma grande taille, j'avais une bonne vue sur l'intérieur du frigo mais non suffisante à mon goût et sans prévenir, j'agrippai la porte pour l'ouvrir d'avantage, malgré que Savannah avait la main posée dessus. Ignorant ses protestations, penché au dessus d'elle, mon visage était tout proche du sien tandis que nous regardions ensemble l'intérieur du frigo. Pensif, je ne semblais guère convaincu par ce que j'avais sous les yeux mais réussi à tendre la main vers une pièce de poulet déplumé et évidé. Je n'avais pas eu l'intention de cuisiner de la viande ce soir mais je n'avais pas d'autre option à disposition. Tournant mon visage vers ma charmante voisine, je lui annonçais alors ce qui allait être notre élément de base pour notre plat principal. « Du poulet. Ça passe avec tout, non ? C'est loin d'être aussi raffiné que ce que j'espérais mais tu réussiras à le rendre époustouflant, n'est-ce pas ? De toute façon, on n'a pas le choix. » Un sourire en coin plus tard, je me redressai et emportai avec moi le poulet que je posai sur le plan de travail. D'un geste, j'écartai tout ce qui avait un rapport avec mon plat précédent pour laisser le champ entièrement libre à Savannah. Comme si tout ce que je venais de faire m'avais déjà épuisé, je me reculais jusqu'à l'évier sur lequel je pris appui et croisai les pieds devant moi. Je n'avais aucune idée de comment cuisiner ce poulet pour ne pas qu'il ressemble à un vulgaire poulet rôti bas de gamme. Posant mon regard sur la jeune femme, je déclarai d'un ton déterminé à défaut d'être franchement ravi par ma position. « Profites-en bien, je suis à ton entière disposition pour l'heure qui vient. Je serais ton commis de cuisine, en quelque sorte. » Me redressant l'instant d'après, je me penchai en direction d'un tiroir à proximité et en sortis un tablier propre. Quitte à jouer la cuistot en chef, autant qu'elle soit entièrement parée et totalement digne du rôle. Je me rapprochai alors d'elle, me plaçai pile en face et lui passai le col du tablier autour du cou. J'avais la douce impression de retourner à une époque où manipuler des figurines étaient ma passion. A cet instant, Savannah était une sorte de figurine grandeur nature : avec son air poupon et ses longs cheveux blonds, elle était idéale. A cette idée, je ne pus m'empêcher de sourire et captant le regard de la jeune femme, c'était comme si je lui souriais à elle. Gardant mon air amusé, je finis par la contourner pour me retrouver dans son dos et nouer avec adresse les ficelles du tablier. Sans m'écarter d'elle, une fois que j'eus finis, mais les mains toujours posées sur le nœud de papillon que je souhaitais le plus régulier possible, je lui demandai avec calme. « Dis-moi si c'est trop serré, Blondie. »
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptySam 12 Juin 2010 - 23:51

Elle passait en revue tout ce qui pouvait bien lui revenir en mémoire. Des tas de souvenirs lui revinrent automatiquement, tous aromatisés de façons différentes, tous localisés à des milliers de kilomètres de cette cuisine. Il y avait un moment qu’elle n’avait pas préparé quelque chose de particulier mais tout lui semblait aussi frais dans son esprit que si elle avait observé les démonstrations la veille. Sa poitrine se gonfla d’air et elle laissa échapper un soupir sans réelle signification. En réalité, cela ne l’ennuyait pas de prêter main forte à Joe même s’il était clair que son attitude passée et probablement future ne méritait pas cet effort mais Savannah aimait cuisiner, aussi n’était-ce pas une véritable corvée de s’activer aux fourneaux. Et puis, même si c’était risible comme idée, elle ne pouvait s’empêcher de se dire que, peut-être, grâce à cet acte de bonne foi, elle parviendrait à gagner un minimum de respect de la part de son voisin. Non pas qu’elle ait besoin de sa considération pour vivre sa vie. Elle avait très bien vécu sans jusque-là – avait même été bien mieux sans, d’ailleurs – et pouvait donc très bien continuer sur cette voie. Mais son retour marquait un tournant dans sa vie et si cela signifiait devoir côtoyer Joe Cotton, eh bien, elle s’y ferait et contribuerait même à faire un effort, à condition qu’il y mette du sien, évidemment, ce qui ne serait pas gagné, elle le savait parfaitement.
Brusquement, la porte s’ouvrit davantage et Savannah réalisa que son absence de réaction avait dû durer plus que de raison. Elle sentit la présence du propriétaire des lieux dans son dos et eut une envie irrésistible de se soustraire à cette cage imaginaire, entre son grand corps et le frigidaire grand ouvert. Elle n’avait pas perçu son approche et aurait peut-être réagi de façon différente si elle avait pu prévoir l’attitude de Joe. Mais là était bien le problème, aussi douée était-elle pour cerner les gens d’habitude, elle se trouvait comme handicapée en présence de son bourreau d’autrefois, comme s’il exerçait sur elle une pression qui lui ôtait toute capacité d’anticipation, de réflexion ou de simple réaction. Elle détestait cette impression qui montait en elle à chaque fois qu’elle se trouvait avec lui, celle d’être un jouet entre les doigts manipulateurs d’un gamin sans scrupules. Oui, c’était bien ça, la sensation d’être balancée comme une vulgaire poupée, sans attention, sans respect, sans considération. Comment un homme doté d’un tel bon goût général pouvait-il être aussi désagréable ? C’était probablement là la raison de cette attitude hautaine et méprisante. Il se connaissait sur le bout des doigts, il savait parfaitement qu’il échouait rarement – à part en cuisine, visiblement –, qu’il maitrisait la plupart des situations et était donc dominant. Tout ce qui pouvait irriter Savannah et, malheureusement, la neutraliser.
Sans surprise, il l’ignora royalement lorsqu’elle lui fit remarquer qu’elle n’avait pas besoin d’être chaperonnée. Elle aurait bien tourné la tête si elle ne l’avait senti si proche d’elle. Encore une fois, cette proximité imposée n’améliorait pas l’état de Savannah. Elle n’avait qu’une envie : qu’il s’éloigne et reste à distance respectable. Elle ne voulait pas se sentir embarrassée de sentir son épaule frôler la sienne, elle ne voulait pas apprécier l’odeur agréable du parfum qu’il dégageait. Tout aurait été bien plus simple s’il avait été hideux. Lorsqu’il tendit le bras pour s’emparer d’un aliment, Savannah en profita pour se dérober à cette situation, lui libérant tout l’espace nécessaire pour se servir. Un pas de côté suffit pour lui ôter toute sensation désagréable. Il se tourna ensuite vers elle et elle regarda ce qu’il tenait à la main, l’écoutant alors qu’il l’interrogeait sur ses capacités à faire quelque chose de potable et surtout raffiné avant de s’exclamer qu’ils n’avaient pas le choix. L’envie de massacrer ce fameux poulet fut passagère mais bien présente et Savannah se contenta de hausser les épaules en signe d’approbation. S’ils n’avaient pas le choix, elle se voyait mal objecter. Il libéra ensuite l’espace nécessaire sur le plan de travail et la jeune femme s’approcha, une idée de recette germant dans son esprit alors qu’elle essayait de se remémorer les composantes et les diverses étapes pour parvenir au résultat final. C’était une recette qui remontait à loin mais qu’elle avait particulièrement adorée et qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de refaire jusqu’à aujourd’hui. Elle n’était pas certaine que ça plairait à Joe mais s’il la laissait faire, se contentant d’être son commis de cuisine, comme il venait de dire, c’est qu’il la laissait relativement libre de faire ce qu’elle voulait. Elle n’irait pas jusqu’à nommer cela de la confiance mais c’était probablement ce qui devait s’en rapprocher le plus pour l’instant.
Elle opina simplement et attrapa un couteau de cuisine de qualité, comme elle put le remarquer après avoir aperçu le logo sur le manche. Joe n’était peut-être pas doué pour cuisiner, mais il savait où trouver les bons ustensiles pour remplir sa cuisine. Elle savait qu’elle devrait répondre, qu’elle devrait manifester un minimum d’intérêt pour la conversation mais elle n’arrivait toujours pas à réaliser qu’elle s’était trouvé embarquée dans une situation pareille en si peu de temps. Une dizaine de minutes auparavant, elle était sur le point de rentrer chez elle ; à présent, elle se tenait debout devant un poulet qui ne demandait qu’à être préparé pour un repas important. Encore une fois, elle ne remarqua pas les déplacements de Joe et ne réalisa son intention qu’une fois qu’il était là, à nouveau trop proche, en train de glisser un tablier autour de son cou. Elle leva les yeux vers lui et chercha dans son regard le moindre signe de sadisme, la moindre lueur qui laisserait deviner un plaisir non feint à la voir occupée, à ses ordres car, malgré tout, il restait le maitre de la situation, même s’il dépendait d’elle pour la réussite de sa soirée. Elle n’y décela rien. Rien qui puisse la conforter dans l’idée que le laisser en plan ne la ferait pas se ronger de culpabilité. Il fit le tour de la jeune femme pour venir nouer le tablier et Savannah ferma les yeux, tâchant de chasser cette sensation irritante qui la tenaillait, bien malgré elle.
- Dis-moi si c’est trop serré, Blondie.
Faisant volte-face, ayant repris le contrôle d’elle-même, Savannah le força à reculer. Le fait qu’elle tenait entre ses doigts un couteau qui devait coûter une fortune et, qui plus est, était très tranchant, devait y contribuer. Elle tourna habilement le couvert et offrit le manche à Joe, lui rétorquant de la façon la plus neutre possible :

« Eh bien, commis de cuisine, commencez par couper en morceaux le poulet. » Elle se détourna ensuite de lui, décidant que l’occupation serait préférable au joug qu’il lui faisait subir, consciemment ou non, et attrapa quelques tomates. « Tu as une aubergine ? Il me faudrait aussi des ingrédients pour donner du goût à tout ça. Thym, laurier, gingembre, piment,… Tu vois le genre. »

Elle rinça rapidement les tomates et les disposa sur une planche avant d’attraper un autre couteau pour couper les aliments en petits morceaux. Elle réalisa qu’elle était nerveuse. Ce n’était pas surprenant, finalement, vu la présence de Joe, dans sa propre maison, qui plus est, mais elle comprit qu’elle n’avait jamais partagé ce genre de moment qu’avec ses grands-parents et Disturbia, le père de la petite fille qu’elle gardait certains soirs, seule source de revenus pour elle. Elle ne voulait pas associer cette passion à l’angoisse qu’il lui procurait, il fallait donc qu’elle trouve un moyen, n’importe lequel, pour qu’il cesse d’avoir une telle influence sur elle, ce qui ne serait certainement pas chose aisée. D’abord, elle devrait commencer par tenter d’établir une connexion d’égal à égal et pour ce faire, qu’y avait-il de mieux que d’essayer d’entretenir une conversation ? Jetant un coup d’œil à l’hôte des lieux, Savannah lança :

« Dis-moi, tu es plutôt du genre à manger au restaurant tous les soirs ou c’est juste les plats plus complexes que tu ne parviens pas à faire ? »

Question anodine qui pourrait être dangereuse, surtout vu le tempérament de Joe mais, étrangement, l’interrogation taraudait Savannah. Finalement, elle ne connaissait pas vraiment Joe. Elle le connaissait avec elle, mais elle ne le connaissait pas dans sa vie de tous les jours et, pour être tout à fait franche avec elle-même, elle devait avouer qu’elle était très curieuse à ce sujet.
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptySam 26 Juin 2010 - 14:14

Avant même que je n'eus retiré mes doigts des ficelles du tablier, Savannah se retourna pour me faire fièrement face. Ce mouvement soudain me surpris mais je ne laissais rien paraître, mon regard brusquement attiré par le couteau qu'elle tenait entre ses mains. Elle ne le brandissait probablement pas volontairement mais sa position éveilla en moins un certain amusement : elle était en quelque sorte en train de me défier à l'aide de mon propre couteau, ce qui était une première en soit. Rares avaient été les fois où elle avait osé s'opposer à moi, préférant largement plus la fuite. C'était donc très intéressant de voir chez elle poindre cette attitude beaucoup plus offensive. Si seulement elle savait qu'un geste de ma part suffirait à lui tordre le poignet et à faire tomber au sol la lame aiguisée … Elle finit cependant par abdiquer et me tendit le couteau que j'attrapai sans rechigner, lui adressant même un faux sourire reconnaissant. La tache qu'elle m'assigna me plut, étrangement : couper de la viande crue m'avait toujours détendu. C'était peu ragoûtant mais ça me plaisait. Me tournant vers le plan de table, j'attrapai la bête et m'apprêtai à m'exécuter lorsque Savannah me demanda à présent de l'aider à trouver une aubergine et des épices. Lui lançant un regard en biais franchement pas emballé, j'étais sur le point de lui demander d'aller chercher elle-même au fond du frigo, que j'étais déjà en train de faire quelque chose mais je me retins. Inutile de la faire fuir ou pire, de la mettre encore plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà : elle serait chiche alors de confondre le sel et le poivre. Poussant néanmoins un soupire qui en disait long, je lâchai ce que je tenais entre mes mains et tournai les talons pour atteindre une fois de plus mon réfrigérateur. Dix secondes me suffirent pour attraper le légume que je déposais dans l'évier et vingt secondes supplémentaires pour sortir toutes les épices que contenait l'un de mes placards. Abordant un sourire forcé, je lui lançai un : « Satisfaite ? » avant de la contourner mais sans retourner pour autant à ma place initiale. Je devais à présent me laver les mains et dut donc emprunter l'évier à côté duquel elle coupait déjà les tomates en rondelles. Les mains humides, j'étais sur le point de les sécher rapidement sur mon tablier mais c'était sans compter sur mes pulsions habituelles à taquiner sans cesse ma chère voisine. Sans avertir, j'attrapai alors un pan de son tablier à elle et essuyai mes doigts avant de déclarer d'un ton désinvolte mais avec cet air malicieux qui trahissait le plaisir que je prenais dans ce geste. « Merci bien ! Je déteste l'humidité sur moi. » Rejoignant enfin le poulet, je récupérai le couteau et commençai à couper les morceaux de chair comme elle me l'avait demandé. C'était vraiment une situation particulière pour moi aussi : il n'était clairement pas dans mes habitudes de recevoir des ordres dans ma propre demeure mais il s'agissait là d'un sacrifice pour un « plus grand bien ». Je n'étais pas en mesure de faire la fine bouche alors que l'heure filait à une allure déroutante.
Le silence s'installa finalement entre nous, chacun se dévouant à la tache qui lui était destiné. Je me montrai minutieux et concentré et donc lorsque ma chère amie d'enfance me posa sa question, je paru un instant déconnecté. Pendant quelques secondes, je continuais mes gestes et fixais toujours le poulet comme si je ne l'avais pas entendu pour finalement hocher la tête calmement. Sa question, contre toute attente, ne me dérangeait pas. Bien sûr, si elle continuait à m'en balancer dix autres à la figure, je finirais par lui coller de l'adhésif sur la bouche mais là, ça allait. Et puis, ce n'était pas comme si elle me demandait la couleur de mon boxer, son interrogation n'était pas trop intrusive. « Je ne vais au restaurant qu'en week-end. En général, je bosse tous les soirs chez moi mais je ne cuisine pas pour autant. Je préfère me faire livrer : chinois, italien, mexicain … Jamais de fast-food par contre, plutôt crever de faim. » En effet, mon activité professionnelle qui était également une véritable passion occupait une grande partie de mes soirées. Je m'installais dans mon salon, étendais mes paperasseries autour de moi et me lançais dans mes croquis jusqu'à ce qu'un creux dans mon ventre se manifeste et que je décroche mon combiné pour appeler à l'aider mes traiteurs habituels. Devinant alors que sa question renvoyait à la raison pour laquelle je voulais un beau repas cuisiné ce soir, je levai enfin mon regard sur elle et, tournant distraitement le couteau entre mes doigts, j'ajoutai. « Mais ce soir, ce n'est pas le boulot qui m'oblige à cuisiner. Enfin, dans une certaine mesure, si … J'ai d'importants invités qui viennent ce soir et qui pourraient booster d'avantage ma carrière si tout se passe bien. » Perdant mon expression détendue pour la troquer contre un regard plus sévère et implacable, je complétai ma réponse en fixant Savannah avec intensité. « Donc ne foire pas. Je compte sur toi. » Coup de pression ? Oh oui et totalement revendiqué ! L'Homme n'agit jamais mieux qu'en état d'urgence.
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyMar 24 Aoû 2010 - 11:20

Elle avait rencontré énormément de monde au cours de ses voyages, mais jamais personne d’aussi indéchiffrable que Joe Cotton. Elle en avait oublié sa présence, heureusement, trop de choses étaient venues lui éblouir la vue, trop de découvertes pour qu’elle ne parvienne à capter tout ce qui lui passait sous les yeux. Elle avait fait le plein de couleurs, de senteurs, de musique. Elle se rappelait avec beaucoup de précision le brouhaha commun à un marché. Elle y avait été plongée, corps et âme, et n’avait pas compris un traitre mot de ce qu’il se tramait autour d’elle. Mais, franchement ? Elle n’avait jamais vécu plus reposant que ces mois passés au milieu d’une culture complètement différente de la sienne. Ne pas savoir ce que les commères se racontaient, ne pas saisir le sujet d’une querelle entre marchands. Elle s’était sentie comme dans une bulle, isolée du reste du monde et cela lui avait fait un bien inimaginable. Son retour à la civilisation aurait dû être un soulagement. Retrouver des éléments familiers, une langue à laquelle elle pouvait répondre, une nourriture qui n’était ni trop épicée ni trop fade. Et pourtant cela n’avait pas été de tout repos. Elle avait réalisé que comprendre son entourage accroissait sa paranoïa, non pas qu’elle le soit exagérément mais elle avait bien remarqué que ne pas savoir ce que les gens qui l’entouraient disaient était bien plus tranquille. Bien sûr, elle avait eu du mal à s’en sortir au début, les moyens de communications se réduisant à ce qu’il y a de plus basique lorsqu’on ne parle pas un traitre mot de la langue étrangère mais elle s’y était faite, elle avait appris à se débrouiller comme elle pouvait et au final, elle s’en était plutôt bien sortie, même.
Mais Joe ? Même après tant d’années, même en sachant parfaitement comprendre ce qu’il racontait, il restait un mystère entier. Elle avait beau le jauger, le détailler, le dévisager, l’observer sous toutes les coutures – ce qu’elle ne faisait quand même pas, ne voulant pas attirer l’œil perçant de l’architecte plus que de raison – il restait ce mystère entier, cette brume dans le regard. Il avait le regard vif pourtant, il n’y avait pas besoin de lui adresser la parole pour savoir qu’il était d’une intelligence impressionnante, un coup d’œil de sa part suffisait à vous mettre sur la piste et pourtant il restait distant. Il avait beau vous regarder droit dans les yeux, avec cette malice qui lui était propre, vous ne pouviez pas savoir ce qu’il avait derrière la tête. En tout cas, Savannah ne le pouvait pas. Il ne lui restait comme seule solution que de poser des questions claires sans sembler le pousser à l’interrogatoire. Bien sûr, rien ne lui assurait qu’il répondrait sincèrement ou même qu’il répondrait tout simplement mais elle avait épuisé toutes ses idées – d’ailleurs, la plupart lui semblaient infaisables car cela signifierait entrer dans une spirale qu’elle ne voulait surtout pas intégrer. Dieu sait jusqu’où pouvait aller Joe quand il était d’humeur joueuse. Et quelque chose disait à Savannah qu’il s’amuserait follement à la faire tourner en bourrique, ne l’avait-il pas déjà prouvé par le passé ? Elle n’avait pas été étonnée qu’il s’essuie les mains avec le pan du tablier qu’elle portait alors une réponse honnête, autant dire qu’elle estimerait cela comme un miracle…
Elle l’écouta en silence, lui jetant de brefs coups d’œil de temps à autre. Sans grande surprise, il allait au restaurant et se faisait livrer et pendant une fraction de secondes, elle se dit qu’il devait être bien solitaire. Mais la pensée repartit aussi vite qu’elle était venue. Elle n’avait aucun moyen de juger la vie sociale de Joe. Il se pouvait qu’il ne soit jamais seul, il se pouvait qu’il soit toujours en compagnie d’une différente jeune femme – étrangement, cela ne l’aurait pas étonnée – comme il pouvait très bien manger en solitaire. Cette hypothèse-là ne l’aurait pas étonnée non plus, il avait l’air indépendant et fier de l’être. Et puis, il fallait bien l’admettre : elle ne savait pas comment une femme pourrait supporter son contact sur le long terme. Après, il se pouvait qu’il soit complètement différent avec la femme de sa vie, elle n’en savait rien. Encore une fois, elle était incapable de se faire une idée précise de la vie de Joe. Lorsqu’il expliqua les circonstances exceptionnelles de la situation, elle leva les yeux vers lui, attentive. Ambitieux, sans surprise. Pourtant, l’instant « confidences » sembla rapidement prendre fin lorsque sa mine changea pour se faire plus sérieuse, alors qu’il lui précisait qu’elle ne devait pas foirer. Elle n’en avait pas l’intention, mais il devait se douter que son attitude passée pouvait être un bon argument pour que Savannah prenne sa revanche sur des années de bizutage inutile. Heureusement pour lui, ce n’était pas dans son tempérament de mettre les autres dans l’embarras, à tort ou à raison, d’ailleurs, car rien ne lui garantissait qu’après cette soirée, Joe ferait un effort pour être moins offensant, à défaut de pouvoir dire plus sympathique, elle n’en demandait pas tant. Ce coup de main ne signifiait pas qu’elle voulait se faire bien voir par cet arrogant personnage. Après tout, elle avait été contrainte de lui venir en aide, après c’était parce qu’elle l’avait bien voulu en un sens, mais il ne s’agissait en aucun cas d’un geste de sa part pour tenter d’améliorer leur relation complexe. Elle n’était en aucun cas fautive, elle n’avait jamais cherché à le provoquer, c’est lui qui avait pris un malin plaisir – sadique, ajouterait-elle-même – à la prendre comme victime particulière.

« Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai jamais rien fait contre toi. On ne peut pas en dire autant de ton côté. »

Laissant son reproche en suspend, elle chercha du regard un ustensile de cuisine qu’elle ne tarda pas à trouver, posée sur le plan de travail. Comme il semblait en avoir terminé avec la découpe de la volaille, elle fit glisser la viande dans la cocotte-minute et y ajouta les légumes. Elle assaisonna à vue de nez et ajouta un peu de piment avant de se frotter machinalement les mains sur le tablier. Attrapant une cuiller en bois, elle mélangea les aliments et ferma avec précaution la cocotte avant de l’embarquer pour la mettre à feu doux.

« Voilà, d’ici un quart d’heure, tu pourras commencer à mélanger toutes les cinq minutes pendant environ quinze minutes. N’ouvre pas la cocotte, contente-toi de faire tournoyer le contenu. C’est très bon avec du riz. »

Le plat n’était pas très compliqué et n'était certainement pas aussi raffiné que son saumon raté mais il avait l'avantage d'être exotique, raison pour laquelle elle s’en était souvenue aussitôt. Ayant passé suffisamment de temps à son goût avec l’architecte, elle entreprit de détacher son tablier et conclut d’un simple « si tu as un problème, tu sais où sonner », tout en espérant qu’il n’aurait pas à en arriver là.



J'ai honte de ce retard inexcusable ><
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyDim 12 Sep 2010 - 16:59

Sa réponse se défendait plutôt bien mais malgré moi, me tracassait. C'était de toute évidence un reproche et même si en temps normal je l'aurais fusillé du regard pour un tel toupet, le fait qu'elle ai accepté de me venir en aide sans marchander ni espérer quoique ce soit de ma part reconfigurait les choses. Je laissais donc sa phrase sans y répondre immédiatement, la laissant en suspens comme si je ne l'avais pas entendu ou comme si je m'en fichais royalement. Néanmoins, si elle prêtait suffisamment attention à mon expression faciale, elle remarquerait que mes traits étaient plus tendus que pendant tout le reste de la préparation du dîner. Finissant ma découpe, je fis glisser la planche vers elle et la regardais introduire la viande dans la sauce. Je m'étais appuyé contre la table et les bras croisés contre mon poitrine, j'observai chacun de ses gestes avec soin, comme si je craignais qu'elle eut la main trop lourde sur le sel ou le poivre, mais c'était d'avantage parce que j'étais toujours en pleine réflexion par rapport à ce qu'elle m'avait dit. En étais-je chagriné ? Non, pas à ce point, juste embêté. Elle était, après tout, l'une des rares femmes que je respectais – je la tourmentais, certes, mais ne la bafouais jamais. Lorsqu'elle se retourna vers moi pour me donner ses dernières recommandations, je fis mine d'acquiescer de la tête comme si j'assimilais chacun de ses mots alors que je n'écoutais que d'une oreille. Savannah avait toujours réussi à tenir mon intérêt éveillé pour elle mais ces derniers temps, c'était encore plus hallucinant que lorsque nous étions gosses. Elle s'appliquait tellement à m'aider tout en gardant soigneusement ses distances pour ne pas m'irriter que ç'en était fascinant. Soit elle était complètement masochiste, soit complètement désespérée en amitié, voire en amour. Lorsqu'elle défit son tablier, je me décollai de la table pour venir auprès d'elle et tendit la main pour récupérer le vêtement. Elle avait de toute évidence finit avec le plat et ce n'était pas surprenant de la voir aussi hâtive de rentrer chez elle. Sauf que j'avais encore un dernier point à éclaircir avec elle et même s'il était évident qu'elle n'allait pas apprécier le simple fait que j'ouvre une nouvelle fois la bouche, prolongeant ainsi un peu plus son séjour dans ma demeure, je pris la parole d'un ton qu'elle ne me connaissait pas. « Tu sais, mon but n'a jamais été de te faire du mal. Crois-le ou non, Newhall. » Soutenant son regard deux secondes de plus, je tournai les talons et sorti de la cuisine américaine pour rejoindre la table où mes invités dîneraient. J'étais donc toujours dans son champs de vision et profitais de cette relative proximité pour lui dire d'une voix claire afin qu'elle m'entende d'où elle était, tandis que je dépliai ma nappe. « Tu peux te servir une assiette, j'ai empiété sur ton propre dîner, après tout … et puis comme ça, si on doit se plaindre d'une intoxication alimentaire, tu en feras les frais aussi. » Le dernier passage de ma réplique m'arracha un sourire mauvais mais ce fut bien un coup d'œil amical que je lançai à ma voisine. Elle allait sûrement me prendre pour le dernier des crétins mais le message de base était à prendre au sérieux : je m'inquiétais vraiment pour son dîner et ma proposition qu'elle se serve tenait parfaitement. Je n'étais, bien sûr, pas du tout certain qu'elle accepterait mon offre mais en tout cas, elle ne pouvait pas me dire que je ne prenais pas soin d'elle – à ma façon. Me remettant à ma décoration, je me mis alors à m'agiter dans tous les coins pour attraper vaisselles, serviettes, couverts dans tous les tiroirs des grandes armoires qui meublaient la salle à manger. Je savais très exactement ce que je désirais mais même si je ne demandais pas à Savannah de m'aider, son avis quant aux couleurs et à la disposition que je proposais sur ma table m'intéressais. Sans prendre garde à si elle était déjà en train de récupérer ses affaires pour partir, je m'écartais de plusieurs pas de la table et l'observant méticuleusement, demandait à la jeune femme comme une dernière faveur. « Ça te plait ? » J'avais mis en place une table dans les tons blancs-argent, très sophistiquée et avait respecté à la lettre les codes de dressage des couverts mais j'étais véritablement soucieux de connaître son avis sur la question. Pourquoi ? Peut-être pour faire honneur à son plat comme il se devait.
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Message(#) Sujet: Re: n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. n°4815, Apple Road ▬ never let a girl cook in your kitchen. EmptyDim 19 Sep 2010 - 15:26

Heureusement qu’elle n’était pas en train de boire ou de manger quelque chose car il était certain que Savannah se serait étouffée de surprise après la proposition de Joe. Si prétendre que cette idée ne lui avait pas effleuré l’esprit était un mensonge, elle devait avouer ne pas s’attendre à ce qu’elle prenne forme. D’ailleurs, presque aussitôt, la raison revint à la jeune femme et elle se dit qu’il devait s’agir d’une plaisanterie. Mais Joe avait un peu passé l’âge de faire ce genre de farce. C’était le genre de choses que les adolescents faisaient entre eux afin de s’humilier. La dure réalité de la vie. « Allez, viens t’asseoir près de moi, on fait la paix. » Puis dès que la malheureuse victime s’approchait, le farceur éclatait de rire, concluait sa mauvaise blague sur « non mais tu rêves, mon pauvre vieux ! » et l’autre repartait penaud, honteux au possible, incapable de lever les yeux pour croiser les regards moqueurs ou pleins de pitié des gens qui assistaient à la scène. Il était certain que la situation n’était pas pareille, mais elle n’était pas sans rappeler à Savannah que c’est exactement le genre de situation qui aurait pu lui tomber dessus des années plus tôt, avec un personnage tel que Joe. Sauf que, évidemment, elle ne se serait pas fait prendre. Aujourd’hui, elle restait toutefois éberluée par le revirement de situation. Voilà que Joe Cotton, après l’avoir quasiment kidnappée, après l’avoir forcée à faire preuve d’une gentillesse dont elle ne se serait pas cru capable avec lui, après s’être montré égal à lui-même, l’invitait à présent à rester, à goûter à son repas et, même si l’ironie était palpable, il y avait quelque chose de vexant à sa remarque quant à l’intoxication alimentaire. Elle s’en voulait surtout d’avoir considéré, même une seule seconde, sa proposition. C’était le monde à l’envers.
Était-ce un moyen pour lui de se racheter ? Elle, elle n’y voyait qu’une porte ouverte sur sa vie, un moyen de le voir sous un autre angle et si elle devait avouer être très curieuse à ce sujet, elle se voyait mal rester. L’ambiance n’était pas idéale, elle n’avait pas la tête à ça – peut-être qu’elle l’aurait davantage eu si elle avait eu une longueur d’avance mais là, elle ne ressemblait pas à grand-chose, tant niveau tenue que le reste – et puis, ce serait lui donner un avantage qu’elle refusait tout simplement de lui rendre. Elle ne pensait pas vraiment l’avoir non plus, mais se disait qu’après cette préparation imprévue, ils étaient sur un pied d’égalité. Du moins, c’est ce qu’elle espérait au fond d’elle-même.
Et puis elle revint sur une poignée de minutes auparavant, avant qu’il ne se mette à mettre la table, avant qu’il ne lui demande son avis au sujet de la – très belle – décoration de table. La raison pour laquelle elle était encore là, se tenant toujours dans la cuisine alors qu’elle aurait pu prendre la poudre d’escampette dès qu’elle lui avait rendu son tablier. « Tu sais, mon but n’a jamais été de te faire du mal. Crois-le ou non, Newhall. » Cette remarque l’avait laissée perplexe. Ah bon ? Il n’avait jamais voulu lui faire du mal ? Alors qu’avait-il cherché, en réalité ? Osait-il mettre ça sur le compte de la maladresse ? C’était ridicule, le mot n’avait même pas sa place à proximité de Joe. Il n’était pas maladroit. Il maitrisait chacun de ses faits et gestes, il avait toujours une longueur d’avance sur elle, elle en était certaine. Était-ce parce qu’il était plus fin stratège ? Parce qu’il la manipulait depuis si longtemps qu’il savait parfaitement comment agir pour la retourner comme une crêpe ? Mystère, le fait était là : il arrivait toujours à la faire se sentir plus mal qu’elle ne l’était avant de le voir. Alors qu’il n’aille pas lui faire croire que ce n’était pas son but parce qu’il devrait lui expliquer ce qu’il cherchait exactement et, franchement, à cet instant précis, elle ne voulait même pas le savoir. Elle n’avait pas posé de questions, avait laissé la phrase faire son chemin dans sa tête, se demandant si c’était encore une machinerie de son bourreau mais visiblement, il tentait de prouver sa sincérité. C’est ce qu’elle interpréta de son regard insistant, en tout cas. Il avait cependant fini par faire volte-face, quittant la cuisine, l’abandonnant là pour rejoindre la salle à manger et s’activer autour de la table. Là encore, elle resta au lieu d’attraper son sac de courses et de reprendre le chemin inverse pour retrouver sa maison. La conversation n’était pas close, sinon il lui aurait fait comprendre qu’il avait eu ce qu’il voulait et qu’elle pouvait s’en aller.
C’était à ce moment-là qu’il avait lâché ce qui avait fait l’effet d’une bombe sur le cœur de Savannah. Elle était interloquée par la façon délibérée qu’il avait de l’inviter tout en mettant la pression sur le repas qu’elle venait de confectionner pour lui venir en aide et non pas pour ses beaux yeux ! Elle n’avait aucun désir de rester dans cette pièce, de voir ces hommes hauts placés se présenter, probablement aussi parfaits en apparence que leur hôte. Elle aurait le sentiment d’être la gamine qu’elle était il y a quinze ans, assistant à un repas entre adultes et surtout, s’y ennuyant mortellement. Peut-être qu’il avait calculé qu’elle n’accepterait pas, qu’il ne le faisait que pour se disculper. « Tu vois, je t’ai invité, j’ai été sympa. C’est toi qui as refusé, tu n’as qu’à t’en prendre à toi-même. » Et si elle acceptait ? Serait-il mal à l’aise de l’avoir dans les pattes ? Comment se sentirait-il avec elle à la même table, alors que cette soirée était visiblement importante pour lui ? Encore une fois, Joe avait fait des ravages. Savannah était tout simplement incapable de comprendre son mode de fonctionnement.
Se rapprochant lentement de ses affaires kidnappées, elle regarda Joe dresser la table, ne se proposant pas pour lui venir en aide. Elle estimait en avoir déjà fait suffisamment et puis elle était bien contente qu’il soit là-bas et elle ici. Il avait moins d’emprise lorsqu’il était concentré sur autre chose plutôt qu’occupé à la regarder de ses yeux perçants. « Ça te plait ? » Elle avait entre-temps attrapé les poignées de son sac en plastique et lorsqu’il s’éloigna de la table, elle posa à son tour un regard critique dessus. Mais que dire à part que la table était à l’image de la maison : parfaite, classe, sans excès inutiles ? Soupirant d’un air à la fois las et vaincu, Savannah haussa les épaules, souleva son sac et répliqua :

« Elle est magnifique, Joe. Je suis certaine que ton repas sera une réussite. Bonne chance, d’ailleurs. »

Concluant ce moment étrange qu’ils avaient partagé et qu’elle n’aurait jamais imaginé une seule seconde, elle détourna le regard et prit le chemin de la sortie, bien heureuse que ce soit terminé, en un sens, mais également un peu déçue de quitter cette maison magnifique pour retrouver la sienne, rénovée mais attendant toujours d’être joliment décorée. Un repas avec Joe Cotton, elle aurait donc tout entendu !
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