« you are not alone, for i am hear for you »
«
Et si on allait au Blue Lagoon Bar ce soir ? » La proposition de Damon était sincère, et je savais pertinemment pourquoi il l'avait faite, mais je n'arrivais pas à me forcer à accepter. J'étais rentrée depuis trois jours, et je savais qu'il ne tenait à ce que je reste chez moi à ruminer trop longtemps, mais je n'avais pas la force de faire autre chose. Le décalage horaire avec l'Allemagne me pesait, et le fait de rentrer chez Adhams, et moi ne m'aidait absolument pas. Si je n'aurai jamais pu me considérer comme heureuse en Allemagne, j'avais l'impression d'y avoir été moins malheureuse qu'ici. J'y avais passé une année à écrire dans les parcs, faire tous les musées possibles, et imaginables – même ceux que je n'aurai jamais cru visité. J'avais parfois poussé jusqu'à Amsterdam (Pays-Bas), et parfois même jusque Strasbourg (France). Pour tout vous dire, je m'étais même mise à apprécier la bière. Je n'avais jamais aimé énormément l'alcool, j'appréciais rarement l'alcool fort, et je buvais rarement plus d'un verre de vin. Mais depuis l'Allemagne, j'avais appris à apprécier une bière de temps çà autre. J'avais eu le malheur de le raconter à Damon dans un de mes mails, et il se servit de cette argument de me convaincre de l'y rejoindre. «
Je suis crevée... Samedi, peut être ? » lui répondis-je d'un ton las, et sans conviction. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que quand samedi arriverait, je ne serai pas celle qui rappellerait notre rendez vous. «
Je reformule, dans ce cas. On va au Blue Lagoon Bar ce soir, et je passe te prendre à 21H. » Je poussais un long soupir, et essuyais une larme qui vint se perdre sur ma joue. Je n'avais aucune envie de sortir, et de voir les gens rire, continuer de vivre normalement comme si tout allait bien. Mais je n'avais pas non plus envie que Damon me rappelle une énième fois qu'il fallait que je continue à vivre, et reprenne du poil de la bête. Je n'avais pas le courage de voir son air lassé, même si il se ravisait aussi vite que possible. Je m'étais honnêtement attendu à me faire crier dessus bien avant, mais cela ne lui était arrivé qu'un ou deux fois, et simplement pour qu'il s'en excuse par la suite. Je ne lui en voulais même pas. Il avait raison, je le savais. Mais je n'y arrivais simplement pas. Si l'on considérait que je demandais désormais aux gens de me parler sur un autre ton lorsqu'il me brusquait – et j'entends principalement ma mère en l'occurrence -, alors j'avais progressé. J'avais même proposé à une amie de me rejoindre pour aller au cinéma cette semaine. Toutes ces choses, je ne les avais pas faite avant de partir en Allemagne. Je ne savais simplement plus comment, ni n'en voyais l'intérêt. A part celui de rassurer mes amis. Mais ils voulaient que j'aille mieux, et rien que pour cela je leur en voulais. Ils ne comprenaient pas, ne me comprenaient pas. Et jamais ils ne pourraient le faire. Mais j'avais compris à Cologne que les gens ne pourraient comprendre, jamais. Même quand ils essayaient, et peut être même surtout si ils essayaient. J'avais appris à ne plus réellement leur vouloir – peut être à l'exception de Rhys, qui persistait à vouloir me dorloter, et me conforter dans mon malheur quelque part... J'envoyais donc un sms à Damon deux heures avant le dit rendez-vous pour lui montrer que j'étais tout de même he... contente de passer la soirée en sa compagnie. «
Sexy or casual ? » Sans attendre sa réponse, je me décidais pour un jean, et une chemise dont je laissais les trois derniers boutons ouverts. J'attachais rapidement mes cheveux en une queue haute, et me chaussais d'escarpins noirs. Je fus prête avant l'heure, comme depuis deux ans – sans réellement savoir pourquoi, j'avais désormais une peur constante d'être en retard. Même quand ce n'était pas important. Surtout quand ça ne l'était pas à vrai dire.
Je m'observais quelques secondes dans le miroir. Mon malheur s'y traduisait, et je décidais de m'entrainer à sourire. Même si nous n'en avions pas encore parler, je n'étais pas la seule à ne pas réellement avoir le moral ces temps-ci. Si je ne pensais pas que cela puisse être aussi grave que mon cas, je n'aimais pas particulièrement le savoir dans cet état. IL ne m'en parlerait probablement pas, je le savais. Mais si je réussissais à lui faire croire que j'allais mieux, ne serait-ce que pour ce soir, probablement s'inquiéterait-il moins. Je l'espérais. Je détestais qu'il agisse ainsi avec moi. C'était réconfortant, j'adorais qu'il tienne tant à ce que j'aille mieux. Nous étions amis depuis tellement, c'était rassurant de savoir que notre amitié était sincère, et pas uniquement à celle que nous avions partagé avec Adhams avant que nous ne tombions amoureux l'un de l'autre. Mais je n'aimais pas que cela se fasse à ses dépends. Je ne saurai l'expliquer, mais j'avais l'impression qu'il me considérait comme sa... « responsabilité » depuis que j'étais veuve. L'heure du rendez-vous avait à peine sonné que monsieur Seaver se trouvait à ma porte, visiblement décidé à ne pas me laisser ruminer. Je lui offris l'un des sourires sur lequel je m'étais entrainé depuis que j'étais prête. J'attrapais mon sac, et nous descendîmes jusque sa voiture.
Je ne réussis à faire sortir mon ami alcoolisé du bar que lorsque celui-ci ferma sur les coups de deux heures du matin. Il était dans un état incroyable, mais lorsque je lui demandais si tout allait bien, il me proposait de venir danser avec lui au nightclub... Il conduirait, même ! Le soutenant comme je le pouvais, je réussis à le faire entrer dans sa voiture côté passager sans trop de difficultés. Récupérer les clés de la voiture fut cependant nettement moins aisé. Je dus aller les chercher dans la poche de son pantalon, pendant que celui-ci cherchait une musique « pour s'éclater ». Il se fit plus silencieux cependant sur la route qui nous mènerait à mon appartement, probablement aider par l'air frais qui pénétraient l'habitacle. J'appréciais le silence, pour une fois. Probablement parce que je n'étais pas seule, et que si je commençais à paniquer, à revivre encore une fois cette scène, je pourrai toujours engager la conversation avec mon ami, et tout irait mieux, ou presque. Il nous fallut à peine dix minutes pour arriver jusque mon appartement. D'un ton que je voulais autoritaire – mais qui me valut en échec total -, je mis fin au silence qui nous avait tenu compagnie le long de la route. «
Tu dors ici ce soir. On a eu assez de morts pour une décennie. Et comme ça, tu en profiteras pour me raconter ce qui ne va pas. » Je coupais le moteur, et attendis qu'il sorte pour verrouiller les portes. Il sembla hésiter quelques secondes à me suivre jusque l'appartement, et je me tournais toute la nuit. «
J'ai de la bière dans le frigo... et on est pas obligé de parler. » conclus-je. A vrai dire... je n'avais pas envie d'être seule cette nuit. Je n'avais jamais aimé être seule la nuit.