oh, i'm not a lost cause
i'm just stuck in this spot
and i'm close to falling off
so toss me a heavy rope.
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« Arrête cette fichue bagnole ! » Il refuse d'obtempérer. Elle n'arrive plus à respirer. Il ne lui prête même plus attention. Elle se saisit du volant. Collision. Obscurité totale. Elle ne sait pas combien de minutes se sont écoulées depuis le crash. La seule chose qu'elle sait, c'est qu'elle ne sent plus ses jambes et qu'elle a bien du mal à garder les yeux ouverts. Ses paupières sont lourdes, sa vision brouillée.
« S— Sam ? Sam ! » Elle ne sent plus sa présence à ses côtés. Sam n'est plus là. Elle tente vainement de bouger ses jambes mais elles demeurent immobiles. Alors qu'elle tente d'atteindre la poignée pour s'extirper de la voiture, la portière côté passager s'ouvre violemment, mais Jolene perd une nouvelle fois connaissance, mais pas avant d'apercevoir les traits de son sauveur. Le prénom de son fiancé meurt sur ses lèvres alors qu'elle sombre dans une inconscience totale. C'est à son réveil, quelques heures plus tard, qu'elle se rappelle l'accident et l'étendue des dégâts. Sa tête lui fait affreusement mal, elle éprouve une douleur intense au moindre mouvement effectué, et il lui faut plusieurs minutes pour situer l'endroit. Une chambre d'hôpital. Elle tente de se redresser sur son lit quand une infirmière fait irruption dans la pièce et lui intime de ne pas faire de geste brusque. Elle n'a pas besoin d'un diplôme en médecine pour comprendre que la convalescence va être des plus pénibles.
« Sam. Où est Sam ? » qu'elle parvient enfin à prononcer après quelques essais infructueux. Quelques essais suite auxquels elle pensait avoir complètement perdu l'usage de la voix.
« Sam ? Qui est ce Sam ? » l'interroge la jeune infirmière. Jolene ne comprend pas. Il était pourtant avec elle. C'est bien lui qui l'a portée dans ses bras et l'a confiée au staff du Baptist Hospital. Elle en est persuadée.
« Comment— Mon fiancé, il m'a amenée jusqu'à vous ! » qu'elle tente d'expliquer calmement mais elle ne parvient pas à contrôler sa voix qui s'élève dans les airs et force la jeune soignante à fermer la porte de la pièce pour ne pas nuire à la tranquillité des autres patients.
« Madame... Un des internes vous a trouvé devant les portes des urgences, mais il n'y avait personne à vos côtés. » Elle secoue vivement la tête, ne comprenant pas pourquoi on refuse de lui avouer où se trouve son fiancé.
« Comment avez-vous pu rejoindre l'hôpital ? Vu l'état dans lequel vous étiez, je doute que— » La brunette refuse de croire que Sam l'a lâchement abandonnée devant les urgences avant de déserter. Elle se souvient très bien de la dispute qui a provoqué l'accident mais il ne peut décemment pas lui en vouloir au point de l'abandonner sur le trottoir. Et puis pourquoi pas, après tout ? Quand il était en proie à une colère profonde, ou quand sa jalousie prenait le dessus sur tout autre sentiment, c'est bien cet endroit auquel il la rattachait.
Si faire le trottoir te manque autant, tu peux y retourner. Personne ne comprend vraiment. Personne n'a jamais souhaité comprendre. Son métier ne consistait pas à faire le trottoir, mais à quoi bon se justifier désormais.
« Je n'sais pas. Quelqu'un a dû voir l'accident et a dû me venir en aide. J'ai dû penser que c'était mon fiancé. Le choc était assez violent, après tout. » Elle tente de rassurer son interlocutrice comme elle peut, mais elle comprend bien à l'expression qui domine le visage de cette dernière que ses propos ne semblent pas tellement la convaincre.
« Si vous êtes persuadée qu'il était avec vous, je peux en parler à mes supérieurs et envoyer quelqu'un pour retrouver sa trace. Il pourrait bien avoir besoin qu'on lui prodigue des soins. » La voix de l'infirmière semble désormais irriter Jolene qui n'a plus qu'un objectif en tête : faire cesser ce questionnement absurde.
« C'est une chambre d'hôpital ou une salle d'interrogation ? Non, moi. Juste moi. Il n'y avait personne d'autre. » Ses paupières se referment un instant, elle inspire profondément mais se redresse aussitôt.
« Et mon— » C'est la première question qu'elle aurait dû poser. Elle aurait dû se soucier de la santé du petit être qui grandissait en elle avant même de s'enquérir de la situation de Sam.
« Je suis désolée. Nous avons fait tout— » Non. Elle ne veut pas entendre la suite. Elle ne veut pas de ces excuses fabriquées.
« Sortez. Allez-vous en. » Ces quelques mots lui échappent dans un souffle. Elle ne sait pas comment elle parvient à se rendormir mais quand elle s'éveille enfin, la porte de la chambre s'entrouvre et elle soupire.
« Je vous ai dit de vous en aller. Laissez-moi tranquille ! » qu'elle hurle à l'attention du nouvel arrivant, lui tournant le dos, et fixant un point invisible sur le mur en face. Peut-être que c'est une bonne chose. Elle aurait fait une terrible mère. Une mère indigne. Elle n'arriverait jamais à la cheville d'Helen, sa mère.