L'Église était déserte. Encore heureux, d'ailleurs, on était un jeudi après-midi, et il était l'heure de la sieste. Oui, de la sieste. Le Révérend faisait la sieste, et Lullaby le savait depuis trois siècles au moins. Hum. Vous vous demandiez peut-être ce qu'elle faisait à l'Église un jeudi après-midi alors qu'elle aurait dû avoir cours de Littérature Scandinave ? Elle avait ressenti le besoin urgent de se confesser, voyez-vous. À son frère, bien entendu. Parce que confesser ses péchés au révérend, c'était une idée à la con, soyons sincères. L'inceste était condamné par l'Église, au même titre que l'avortement. Et Lullaby ne souhaitait pas être une paria aux yeux sinon des paroissiens, du moins à ceux du type qu'elle croiserait à son enterrement. Aussi, elle se gardait bien de raconter les véritables péchés qu'elle pouvait commettre, avec la joie et la pleine conscience de ce qu'elle faisait. Débauchée ? Non. Passionnée. Ça changeait tout, en effet.
Et de toute façon, elle ne se confessait jamais. Elle n'était pas croyante, elle était purement athée, et se moquait bien de savoir si— Tu permets, je peux raconter ma vie ? Je croyais que tu étais en congé. Je raconte ma vie, va compter les pétales des marguerites dans le champ de l'univers à côté.

Excusez-la, elle ne sait jamais quand il faut qu'elle se pointe. Reprenons donc. Le silence religieux de l'Église n'était presque pas troublé. Seules nos respirations haletantes venaient troubler la paix encensée du lieu saint. Quelles respirations me direz-vous ? La mienne, et celle de mon frère jumeau, soit Robynn. Quoi, il y avait un problème là-haut ? Le grand monsieur voyait ça d'un mauvais œil ? Qu'il aille se faire voir chez les Hunkerfields, pour ce que ça me faisait ! D'accord, on était en partie chez lui -après tout, on appelle bien une Église la "maison de Dieu"- mais bon, il pouvait être tolérant, quand même, et accepter les pêcheurs que nous étions dans un de ses confessionnal pour un certain laps de temps.
Le problème avec le confessionnal, c'est que c'est pas super grand, ce qui faisait que j'étais collée à Robynn. Enfin, pas que ça me dérangeait, mais si le Révérend finissait sa sieste plus tôt et venait jeter un coup d'œil aux isoloirs… You know what I mean… Mais puisqu'il était parti pour ronfler encore une ou deux heures, on était tranquille pour un bon de temps.
Mes lèvres avides vinrent se poser sur celles de Robynn alors que je me rapprochai encore un peu plus de lui, resserrant notre étreinte interdite, tandis que mes cuisses ouvertes glissaient contre les siennes. Le faire dans une Église était une des choses les plus excitantes qu'on avait fait jusqu'à présent, et pourtant le grand gars là-haut (s'il existait), savait qu'on en avait visité des endroits…

L'embrassant tout en roulant des hanches -ou du cul aurait-il pu dire s'il avait eu son mot à dire- mes lèvres remontaient le long de sa jugulaire pour venir se poser contre son lobe d'oreille, que je mordillais avant de murmurer au creux de son oreille ces mots précis, que j'avais dû lui dire une bonne centaine de fois au moins :

« J'aime quand tu me fais l'amour… »

Notez, je m'en foutais du comique de répétition, je m'en contre-balançais de ne pas avoir encore trouvé de réplique plus intéressante et plus originale que celle-ci, mais quoi, c'était la vérité, j'allais pas la déguiser avec d'autres mots qui ne me venaient pas naturellement.