En face à face avec elle-même, ou plutôt avec son reflet, Hazel se testait. Elle n'avait pas fière allure, ses cheveux humides encore plaqués en arrière, conséquence inéluctable de la douche qu'elle venait prendre et, vu comme ça, elle se trouvait encore moins de charme. Elle n'avait pas vraiment un visage à passer à la télévision. C'est ce qu'elle se disait. Et si elle se trouvait là à tester toutes ses mimiques, contrôlant son sourire dans la salle de bains comme une gamine de treize amourachée du playboy de l'école, c'est parce qu'elle venait de passer un entretien, ou plutôt une audition, pour le job de ses rêves, et que la douche chaude qu'elle venait de prendre ne l'avait pas relaxée. Son gel douche aux huiles essentielles avait menti. Elle ne se sentait absolument pas décontractée. Et, pire que tout, elle ne se sentait vraiment pas 'cool'. C'est loin d'être une première pourtant, elle n'a jamais vraiment eu l'impression d'être belle, intéressante, cultivée et charismatique. Et si toutes ces qualités lui font habituellement défaut, cela ne lui avait jamais paru comme être un manque à combler... Jusqu'à présent. Certes, elle était passionnée, et elle savait de quoi elle parlait - le type qui lui avait fait passé son audition l'avait bien noté à haute voix. Mais il avait aussi précisé que pour le programme qu'ils étaient en train de mettre au point, ils ne comptaient pas prendre les premiers geeks venus. Il fallait être présentable. L'horreur. Hazel n'avait jamais été présentable. Et cette constatation l'avait effrayée à tel point qu'elle n'avait même pas relevé le fait de s'être faite rabaissée au rang de simple geek. Ça aussi, ça lui arrivait souvent.
Déçue d'elle-même et de ses piètres mimiques, Hazel décolle son regard du miroir et entreprend de se sécher les cheveux en se lamentant mentalement. Kate, sa mère, et Wendy, sa soeur, sont si jolies ! Et si mignonnes, pleines de vitalité et de charme. Pourquoi ne l'est-elle pas, elle ? C'est injuste. À deux doigts d'appeler sa soeur pour qu'elle s'occupe de ses cheveux, Lilly-Haze renonce brutalement. Elle se redresse face au miroir, pointe son index en direction de son reflet qui la fixe sérieusement, en dépit de ses cheveux en pétart. « À partir de maintenant, tu vas évoluer. Et arrêter de compter sur Wendy tout le temps. Tu dois pouvoir te coiffer et t'habiller seule. Que tu grandisses un peu. Que tu deviennes adulte. » Rien que de prononcer ce mot la fait frémir un peu. De façon très négative. « Bon, t'auras quand même l'droit d'aller taper à sa porte en cas de fermeture éclaire récalcitrante hein. Y'en a des dures quand même. » concède-t-elle ensuite, avant de partir à la recherche de sous-vêtements propres dans le panier à linge disposé sur le sèche-linge. Elle opte assez rapidement pour un soutif peu féminin, pas le genre push-up ou dentelle quoi, ainsi qu'un boxer de la même couleur, c'est à dire noir. Pudique, elle ne fait même pas tomber sa serviette pour les enfiler. Elle pique ensuite un produit de sa soeur dans le placard sur le côté du lavabo, et en imprègne ses cheveux : c'est sensé les démêler. Quelques coups de brosse à cheveux plus tard, et la voilà hors de la salle de bain.
Déambulant dans les couloirs de la maison vide de toute présence maternelle, Hazel marche jusqu'à sa chambre et y entre en réfléchissant à son programme pour la soirée. La guilde n'avait prévu aucun raid pour ce soir, alors peut-être allait-elle s'occuper d'un de ses rerolls ou jouer à un autre jeu. Ce n'est pas les idées qui lui manquaient. Concentrée comme elle l'était, elle ne remarque pas la présence étrangère dans sa chambre en bazar ; confrontée à son armoire toute aussi désordonnée que le reste de sa chambre, elle pioche au hasard un pyjama et le défroisse en regardant le miroir ornant l'armoire et, ce n'est qu'à ce moment là qu'elle voit, qu'elle LE voit. Surprise, elle sursaute en se retournant brusquement, vraiment TRÈS étonnée de le voir là. Ce n'est pas la première fois qu'il apparaît de la sorte dans le foutoir qui lui sert de cocon, mais elle ne s'y habitue pas. Ça viendra peut-être ?
« Bon sang, Colt, tu m'as fichue une de ses frousses ! s'exclame-elle en tentant de calmer les battements de son coeur effrayé par sa force mentale. Comment qu'tu vas ? » ajoute-t-elle, pas vraiment rancunière, en continuant de défroisser son pyjama.
Maintenant qu'elle y pensait, elle trouvait ça bizarre d'être devant lui avec seulement ses sous-vêtements et une serviette entourant son corps. Cette scène lui paraît être bien trop proches de l'esprit de certaines séries et autres teen-movies, et elle n'est pas sûre de trouver cela super.
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