Maxwell pénétra dans l’ascenseur et appuya sur le bouton qui le mènerait au rez-de-chaussée. Lorsque les portes se refermèrent avec un son doux qui signifiait la liberté temporaire, il soupira et se laissa aller contre la paroi en fermant les yeux. Bon, il n’avait pas de quoi se réjouir. Il avait un quart d’heure, une demi-heure tout au plus, pour savourer sa solitude puisque William descendrait rapidement, dès que son appel serait terminé mais comme il savait que son interlocuteur lui tiendrait la jambe un moment, le musicien sut approximativement quel serait son temps libre jusqu’à ce qu’il voie reparaitre le visage de son mentor.
L’enregistrement de l’album ne se passait pas exactement comme il l’avait voulu mais Maxwell ne voyait pas de quoi il se plaignait. Il savait parfaitement qu’il devrait faire face à des contretemps et ils n’étaient pas le résultat de l’immaturité et l’impatience du musicien, pour une fois. Là où le jeune artiste se maudissait, c’était au niveau de la composition. Il restait bloqué avec des mélodies très différentes dans la tête mais il était incapable de trouver l’accord qui permettrait de les assembler pour que cela donne un résultat potable. Et il n’y avait pas plus frustrant pour le jeune prodige que de faire face à un mur impossible à franchir. Car dans ce domaine-là, William ne pouvait pas vraiment lui venir en aide. À bien des égards, William était son sauveur, mais pas quand cela concernait la musique d’un point de vue créatif. L’esprit plein de ces tracas, Maxwell retrouva la civilisation de l’hôtel quand il franchit les portes de la cabine d’ascenseur pour se retrouver dans le hall majestueux du Four Seasons.
Il peinait encore à croire qu’il foulait le même sol que certains hauts dignitaires. Avec son look décontracté, il arrivait souvent qu’on se demande s’il n’était pas un petit rigolo qui était entré là pour faire le malin. Ils étaient bien forcés de réaliser leur erreur quand ils voyaient que personne ne venait appréhender le musicien pour le mettre à la porte. Traversant le couloir illuminé, Maxwell se rendit au bar et s’installa au comptoir, là où il pourrait admirer toutes ces bouteilles soigneusement alignées et le miroir étincelant qui était accroché au mur, derrière les employés qui s’activaient à servir les clients avec une politesse exagérée. L’un d’eux s’approcha de Maxwell et celui-ci commanda le premier cocktail qui lui passa sous les yeux, sans même regarder quels en étaient les ingrédients. Il s’accouda au bar de manière peu convenable et se mit à rêvasser, décomptant les minutes qui le séparaient de retrouvailles qu’il n’attendait pas du tout.
Il en avait presque oublié la demoiselle qu’il avait repérée dès le premier regard et avec laquelle il avait lancé un jeu pour faire mousser William. Le manager s’était montré intransigeant, menaçant, mais Maxwell n’avait pas pu s’empêcher d’être intrigué par cette demoiselle qui, en bien des points, semblait parfaitement s’accorder à lui. Il l’aurait probablement guettée du regard s’il n’avait pas été aussi fatigué après une journée passée dans le studio. Heureusement pour lui, il ne rata pas sa présence puisque c’est elle qui le repéra et s’approcha pour s’asseoir à côté de lui.
« Aurais-je la permission de vous prendre quelques minutes de votre temps ? » Le musicien tourna la tête vers elle, le regard d’abord vague, se demandant qui s’adressait à lui. Mais quand il reconnut les traits agréables de la jeune femme au regard malicieux, il se redressa, tout à coup bien éveillé.
« Hey ! » la salua-t-il, un sourire idiot venant immédiatement figer ses lèvres.
« Permission accordée. » Il avait noté la façon étrange qu’elle avait de s’adresser à lui mais au lieu de s’interroger sur la raison de ce comportement, il la dévisagea un instant, n’ayant jamais eu l’occasion de l’observer de si près jusqu’à présent.
« Je ne risque pas de voir votre manager m’attaquer et me faire jeter dehors, j’espère ? » demanda-t-elle alors qu’il recevait son cocktail. Il fut tenté de demander ce qu’elle désirait boire mais le barman était déjà reparti, alors il répondit à sa question, attendant le retour de l’employé.
« Je ne pense pas qu’il ait le pouvoir de te jeter dehors » dit-il, avec un ton plaisantin.
« Mais il risque d’arriver d’ici une vingtaine de minutes, effectivement. » ajouta-t-il après avoir jeté un regard à sa montre.
« À moins que tu aies une idée d’un endroit tranquille parce que je suis ouvert à toute proposition, scandaleuse ou non, au point où j’en suis. »Il jouait franc jeu mais comme il se doutait que sa conversation était précaire, vu l’arrivée imminente de William, autant faire savoir à la jeune femme qu’il avait été réceptif à ses tentatives et que c’était bien parce qu’il était forcé d’obéir à son manager qu’il n’était pas entré dans le jeu mais qu’il l’aurait fait volontiers s’il en avait eu l’occasion. Comme maintenant, par exemple.