Maxwell était ravi. Il avait obtenu gain de cause après de longues minutes de plaidoirie. D’ailleurs, il s’était senti un peu offensé par ce devoir qu’il avait eu de prouver sa bonne foi à son manager. Il avait passé l’âge de demander la permission de sortir mais depuis qu’il avait bousillé toutes ses chances sur un boulot qui aurait pourtant dû être acquis les deux doigts dans le nez, William s’était montré intransigeant. Il le punissait de son manque d’attention et de sa tendance à parler trop vite mais tout de même, il y avait des limites et il avait sérieusement besoin de souffler et ça, il ne pouvait le faire avec le regard inquisiteur de William qui le suivait partout. Aussi était-il finalement parvenu à négocier une nuit dehors, puisqu’il avait un jour off le lendemain, promettant de ne pas revenir bourré ni accompagné. Si la première promesse serait facile à tenir puisqu’il ne buvait pour ainsi dire pas, la deuxième serait plus ennuyeuse s’il devait rencontrer une jolie demoiselle qui souhaiterait rentrer avec lui. Mais un deal étant un deal, il avait serré la main de son manager et s’était éclipsé vite fait bien fait avant que William ne revienne sur sa décision.
Le Blue Lagoon étant réputé, Maxwell avait jeté son dévolu sur celui-ci. Il voulait une véritable soirée, le genre où l’alcool coulait à flot et où la seule préoccupation des clients était de s’amuser, qu’importe les conséquences de leurs actes. Le musicien ne comptait pas vraiment entrer dans ce terrain dangereux mais être immergé parmi les fêtards lui donnerait une réelle sensation d’être aussi imbibé qu’eux et, pour l’instant, c’est tout ce qu’il demandait. Miami était bien différente de New York. Il se rendit compte de ce phénomène en pénétrant dans le bar surpeuplé. Lui qui passait ses nuits dehors lorsqu’il vivait toujours à New York avait probablement perdu l’habitude en suivant le régime strict de William mais en se retrouvant parmi cette jeunesse dorée, Maxwell se sentit paumé et peu à sa place. Il s’engagea toutefois vers le bar où il commanda une boisson au taux d’alcool raisonnable qu’il paya avant de porter son attention sur tout ce qui l’entourait.
Il ne tarda pas à regretter son geste et plus particulièrement sa venue ici.
FLASHBACK
Il s’agissait du second soir où Maxwell se produisait en public. Quitter la sécurité de sa chambre et l’œil vide de sa webcam avait été un sacré pas qu’il ne pensait jamais franchir. Il faisait de la musique pour le plaisir, publiait ses vidéos sur son compte Youtube parce qu’il estimait qu’Internet le préserverait en quelques sortes, même s’il dévoilait son visage à tout le monde et n’importe qui. Il ne s’attendait certainement pas à être contacté par un producteur de musique. Il avait vu tous ces changements s’opérer sans vraiment réfléchir. Tout allait trop vite. Hier encore, il ajustait la caméra sur son laptop et entamait la reprise d’un tube mondialement connu pour enchainer avec l’une de ses compositions. Aujourd’hui, il s’apprêtait à grimper sur scène pour proposer son travail, l’offrir aux oreilles de tout un chacun et risquer par la même occasion le lynchage public. Bon, William était optimiste, il ne doutait pas de son talent, il fallait juste qu’il reste concentré et, dès lors, ce mot était devenu le leitmotiv du musicien alors qu’il tentait d’évacuer son stress, trépignant à l’arrière des coulisses alors qu’il voyait la population du bar augmenter à vue d’œil, dans la semi-pénombre.
« Prêt ? » l’interrogea la voix grave de William alors qu’il sentait sa main s’abattre sur son épaule dans un geste qui se voulait encourageant ou réconfortant. Maxwell ne parvint même pas à répondre. Ses intestins s’étaient liquéfiés et sa gorge était tellement serrée qu’aucun son n’en sortait. Elle avait intérêt à se décoincer dès qu’il entrerait en scène ou sa carrière serait tuée dans l’œuf. D’ailleurs, il n’eut pas vraiment le temps de s’interroger davantage, une voix annonça son nom après l’avoir présenté brièvement pour ceux qui auraient été incapables de savoir d’où il sortait.Comment oublier un visage comme celui de Sally ? C’était impossible, surtout si on savait dans quelles circonstances il avait croisé la demoiselle. Lui, en tout cas, s’en souvenait comme si c’était hier et pas pour de bonnes raisons. Son visage s’était figé dans une moue terrifiée et, tel un robot, le rythme mécanique, il tâcha de tourner le dos à la jeune fille, se disant que s’il agissait vite et bien, il serait à l’autre bout de la salle avant qu’elle ne le repère. Mais c’était sans compter sur la facilité avec laquelle Sally repérait une source d’ennui et à peine avait-il fait trois pas qu’il se retrouva nez-à-nez avec son pire cauchemar.
« C’est pas vrai, Maxwell Meehan ? Ici ? » Une grimace passa sur le visage du musicien qui tâcha de la faire disparaitre pour opter pour un masque de surprise – dommage pour lui, il était un comédien médiocre et son manège tomba à l’eau avant même qu’il n’ouvre la bouche.
« On se connait ? » demanda-t-il simplement avant de chercher à la contourner. Plus vite il se dépatouillerait de cette présence indésirable, plus vite il serait tranquille. Ah ! Quand William apprendrait que la groupie était à Miami, il serait probablement furax.