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Ses doigts caressaient lentement les jetons devant lui. Son visage se faisait impassible mais en lui même Antonio jubilait. En prison, il y avait souvent pensé, au moment où il pourrait enfin reprendre sa vie d'avant. Il savait bien que la reprendre entièrement serait impossible et de toute façon le deal était fini pour lui. Mais du moins, voilà qu'il pouvait de nouveau dépenser ses sous dans ces conneries de jeux d'argent. Ou plutôt l'argent qu'il n'avait pas... Parce que en vérité Antonio claquait du fric mais son compte en banque n'était pas près à suivre ses volutes dépenses. Voulant continuer à se persuader qu'il était encore plein aux as, il était venu se rendre ce soir là dans le casino de Miami. Cela n'avait, il fallait le dire, rien à voir avec les casinos qu'il fréquentait à l'époque, mais c'était déjà cela et il semblait persuadé que ce soir là il arriverait à plumer son beau monde. Même s'il perdait lamentablement jusque là... Tant pis, pensait-il, il se rattraperait en piquant dans la caisse de son fiston quand celui-ci accepterait de le porter sur ses épaules le temps que l'histoire autour de Tonio se calme un peu, qu'il puisse se remettre à flot dans ses affaires pas tellement légales. Autour de la table de poker, celui-ci se sentait simplement vivant, puissant. Il se croyait de nouveau riche. De nouveau respecté dans son milieu de l'ombre. Son milieu... Il s'était un bon moment plongé dans la piscine de cette fameuse partie de son parcours dans l'illégal sans voir venir le nuage sur sa petite vie scrupuleuse. Et alors l'orage avait dument éclaté sur sa chair, et il se retrouva sans n'avoir pu dire 'ouf' dans une de ces si semblables prisons. Pour la troisième fois. Comme une seconde maison qu'on fuirait volontiers, ces prisons. Antonio esquissa un petit sourire mauvais. Encore une paire de merde. Il avait envie de se tirer une clope mais cela aurait montré la pointe de nervosité qui montait en lui sans qu'il ne l'y eut invité. L'homme en face de lui le regardait d'un de ces regards mauvais qui voulait bien dire, par les signes à peu près neutres du poker, que Tonio allait se faire plumer. Et pas qu'un peu. Mais l'imbécile, trop proche de sa fierté personnelle, continua à miser comme pour défier le joueur au regard provocateur.



Il aurait voulu hurler de rage, mais il préféra se diriger vers le bar du Gold Empire. « Vodka. » demanda-t-il d'une voix énervée et sèche. Tonio passa sa main comme derrière son cou pour se masser la nuque. Il ferma les yeux un instant comme pour reprendre ses esprits. Il lui fallait un remontant plus important qu'un alcool fort. Une femme. Il lui fallait un petit coup. D'un regard un peu trop ostensible, il parcourut la salle. Quelques siège, quelques tables, quelques femmes. Une femme. Une femme vraiment très belle assise à l'autre bout du bar, pas bien loin. Antonio sentit alors souffler dans son corps une sorte de vague de désir, ce genre de vague qu'il ressent à peu près cinq fois par mois depuis qu'il était sorti. Il fallait bien rattraper le temps, après tout, criait-il en lui tandis qu'il se levait après avoir avalé d'une traite son verre. Il s'approcha d'un pas assuré de la jeune femme et s'assit à ses côtés. « Champagne ! » commanda-t-il. Et puis merde, même s'il avait pas le fric nécessaire pour payer deux verres du fin mets après avoir perdu ainsi autant d'argent. Une vieille méprise pour se mettre une fille en poche, le fameux champagne. Combien de fois l'avait-il sorti celle-là ? Âgée comme le monde... Âgée... Comme lui ?
Peut-être avait-il oublié que l'époque n'était plus vraiment la même et qu'une femme ne se laisse plus berner aussi facilement à tous les coups.