(#) Sujet: Swallowed in the sea | Jed Mer 9 Fév 2011 - 20:02
Je cherche et je cherche le remède
pour qu’enfin cesse la pluie.
22h32 « JED! JEEEED! » Hurlant en courant à travers les rues de Miami, Ella savait pertinemment qu'il n'entendrait jamais ses paroles, où qu'il soit. La pluie n'avait pas cessé et le rideau de gouttelettes qui se formait devant elle l'empêchait de projeter sa voix à plus d'un mètre, la laissant seule contre sa peur d'arriver trop tard.
FLASHBACK, 17 décembre 2011 22h17Se relevant, tremblante, de la chaise sur laquelle elle était assise, elle se dirigea rapidement vers la salle de bain attenante à sa chambre sans trouver ce qu'elle cherchait: un élastique pour attacher ses cheveux. Elle avait dû le laisser à l'étage inférieur. Dévalant les marches à la volée sans se soucier du bruit qui risquait d'alerter Lawson, ce ne fut que lorsqu'elle aurait dû faire face à son reflet qu'elle se stoppa finalement; son coeur battait la chamade. L'armoire où se trouvaient les médicaments était grande ouverte, le miroir ne pouvant bien évidemment pas lui renvoyer l'image terrifiée qu'elle devait présenter à cet instant. Les flacons avaient disparu. Affolée, l'adolescente ne prit même pas la peine de saisir le parapluie avant de quitter la maison, s'assurant de refermer doucement la porte pour ne pas effrayer son tuteur si par chance il n'avait rien entendu.
22h39 « JEEEEEEED! » Vociférant toujours le prénom de son ami alors que la pluie, mais surtout les larmes l'empêchaient de bien voir où elle allait, l'adolescente sentait la boule qui s'était formée au creux de son ventre l'étreindre jusqu'à l'étouffer. Elle ne parvenait pas à faire taire ce mauvais pressentiment qui l'avait envahie dès lors qu'elle avait compris ce qui se passait. Depuis plusieurs jours, Jed n'allait pas bien et tout ce qu'elle avait trouvé à faire, c'était lui foutre la paix parce qu'elle croyait que c'était ce qu'il voulait. Elle n'avait que contribué à son malheur. Les mots de Rose lui revinrent en tête, incapable de les oublier. « C'est un pourri Ella, on peut plus rien pour lui. » Pourri ... Pourri. Le mot raisonna dans sa tête jusqu'à ce qu'elle voit défiler devant ses yeux les moments qu'elle avait vécu avec lui.
FLASHBACK, 7 décembre 2011 17h31« Je te jure, je l'aurais tué! Je ne sais pas comment il a pu devenir enseignant, mais ... » Fronçant les sourcils alors qu'elle tournait la tête vers son ami, assise derrière la voiture de Lawson avec lui, elle voyait bien qu'il ne l'écoutait plus, les yeux rivés sur le fenêtre du véhicule. « Jed? » demanda-t-elle avec douceur en jetant un coup d'oeil à son tuteur qui pestait contre la circulation trop dense sur le pont de Miami à cette heure de la journée et qui ne faisait aucunement attention à eux. Reportant sans crainte ses prunelles sur la silhouette de Jed à ses côtés, crispé et figé comme une statue, elle laissa sa main se poser sur son bras, inquiète, ce qui ne le fit même pas ciller tellement il semblait dans son monde. « Jed? » réitéra-t-elle en serrant délicatement son bras pour le ramener dans la voiture avec eux. Il ne sembla revenir à lui que lorsqu'ils eurent quitté le pont, Ella retirant sa main et se mordant la lèvre alors que c'était à son tour de se perdre dans la contemplation du paysage, Jed ayant décidé de demeurer silencieux.
22h47 Complètement trempée, les cheveux lui collant au visage alors qu'elle aurait voulu se rouler en boule pour pleurer jusqu'à ce qu'elle n'ait plus de larmes, Ella, les bras ballants, s'était arrêtée pour reprendre son souffle. Les écriteaux « Miami Bridge » la prévenaient qu'elle était dans la bonne direction et elle n'était plus très loin, elle pouvait l'apercevoir. Quelques pas et elle y serait. Quelques pas et elle se retrouverait peut-être face à l'un des pires cauchemars de toute son existence. Elle espérait de tout son coeur qu'elle s'était trompée et qu'il avait décidé de crécher chez Crash, que la disparition des cachets n'était qu'une coïncidence et qu'il y avait une explication. Il regrettait. L'adolescente savait lire dans tout ce qu'il ne disait pas ou du moins, elle savait interpréter la plupart de ses gestes, même si elle ne pouvait pas tout comprendre. Elle aurait dû aller retrouver Rose, mais son coeur l'empêchait de le faire, alors qu'elle savait Jed en danger. Il avait mal agit, mais elle ne pouvait pas le laisser seul. Pas maintenant.
Reprenant sa course en grimpant la pente qui la mènerait jusqu'au pont, elle essuya ses yeux afin de tenter d'apercevoir une silhouette, quelle qu'elle soit. Il était là. Perché de l'autre côté de la rambarde, il s'apprêtait à sauter. Ella secoua la tête avec force en fermant les yeux pour tenter d'éliminer cette hallucination de son esprit, jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle n'imaginait pas. Que c'était bien la réalité et qu'elle n'était pas dans un rêve; elle était en plein cauchemar. Elle s'approcha alors que les voitures filaient à ses côtés sans se douter du drame qui se déroulait sous leurs yeux. Un adolescent, torturé par une mort qui le tuait à petit feu et une connerie qui l'enflammait en un instant. Une adolescente qui ne pouvait pas le laisser couler seul. Deux adolescents un peu perdus qui comprenaient que la vie était vache. Il ne l'avait pas vue venir, évidemment, puisque la pluie faisait taire le moindre de ses pas et qu'elle s'était bien gardée de crier son nom pour ne pas lui faire peur. La boule au creux de son ventre l'étouffait, lui comprimait la poitrine, l'empêchait de respirer. Et si elle n'arrivait pas à temps ... Franchissant les derniers pas qui la séparaient de son ami, elle passa ses bras avec force autour de son corps, elle du côté du pont, lui du côté de l'eau. Du côté du vide. Du côté de la mort. Elle savait qu'ainsi, il n'aurait pas peur. Qu'il ne pourrait pas perdre pied en sursautant. « Rappelle-toi... » murmura-t-elle sans pouvoir poursuivre, sa voix étant entrecoupée de sanglots. « Rappelle-toi, mais... ne va pas la rejoindre. » Frigorifiée, elle ne savait pas comment le garder auprès d'elle, elle ne savait plus comment lui demander de rester. Le contact de ses bras contre son corps l'électrisait, comme si elle avait mis ses doigts dans une prise de courant, mais tout comme on ne peut pas retirer son doigt seul, elle n'osait pas défaire son emprise, tremblante. « Souviens-toi du chêne. Des messages qu'on échangeait. De la souris et du lion! Les rôles sont inversés et la souris regrettera le lion si tu pars. » avoua-t-elle non sans fermer les yeux pour tenter de retenir ses larmes. « Reviens de ce côté, Jed... S'il te plaît. »
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Jeu 10 Fév 2011 - 22:37
22h38 Assis à même le sol du trottoir détrempé, les jambes insérées à travers les barreaux de la rambarde de sécurité et pendantes dans le vide, Jed fixait d'un œil vitreux le quart de ce qu'il lui restait de whisky à l'intérieur de la bouteille qu'il avait volé dans le bar de Lawson au même titre que les médicaments qu'il avait dérobé dans l'armoire à pharmacie de ce dernier et dont les boîtes vides avaient depuis bien longtemps disparues, jetées sur la chaussées derrière lui une fois qu'il en eut avalé tout le contenu et emportées par les rafales de vent qui donnaient à la pluie diluvienne la force de lui fouetter le visage. Mais de ça il n'en avait rien à faire. De toute façon, il ne sentait déjà plus rien. Pour la première fois depuis la mort de Sally, Jed prenait conscience d'avoir été trop loin, mais - bien loin de paniquer ou de regretter son geste - il restait calme et interdit, préférant se dire qu'il savait où il allait et que cet état d'anesthétie de plus en plus palpable n'était rien d'autre que le moment de flottement que l'on pouvait ressentir avant un accident grave. D'ici quelques minutes il foncerait droit dans le mur, le percuterait de plein fouet et tirerait sa derrière révérence.
Il ne s'était laissé aucune chance. Après sa discussion avec Rose, les idées s'étaient enchainées d'elles-mêmes, évidentes, claires, limpides, en réponse à toute cette douleur qu'il ne pouvait plus contenir et avec laquelle il avait donc décidé d'en finir. Porté par l'énergie du désespoir, il était retourné au 1525 Apple Road, avait pris soin de ne pas faire de bruit pour n'éveiller l'attention de personne et avait procédé méthodiquement afin de sortir de la vie d'Ella et Lawson comme il y était entré : sans un bruit, comme par erreur. Tout d'abord, il avait vidé sa chambre de tous les sachets d'herbe qui y étaient cachés. Ensuite, il avait fait un croché par la sale de bain et s'était empressé de fourrer l'ensemble de la boite à pharmacie dans un sac à dos. Enfin, il était redescendu dans le plus grand des silences, avait fouillé le bar à la recherche d'une dernière bouteille à tilter avant le grand plongeon et s'en était allé par la porte de derrière. Sur le chemin du pont qu'il avait tenu à faire à pieds, dans le froid et sous la pluie mordante, il s'était arrangé pour ramener sa capuche le plus en avant possible sur sa tête de façon à protéger le bout incandescent des joints qu'il avait enchainé. Un, deux, trois ... il avait arrêté de compter au quatrième, quand sa démarche de plus en plus chaloupée lui avait valu de se faire klaxonner par les automobilistes qui défilaient à toute vitesse sur la chaussées, manquant à chaque fois de peu de le renverser. Puis, lorsqu'il était arrivé au sommet de cette structure tellement semblable à celle depuis laquelle sa sœur avait fait le grand saut, il s'était effondré, avait passé ses jambes à travers les barreaux de la rambarde et tiré son sac vers lui pour en sortir la bouteille de whisky qu'il avait entamée et dont il avait bu un bon tiers d'une seule traite. Là, ravalant ses haut-le-cœur, il s'était emparé des nombreuses boites de médicaments et avait entrepris de les avaler toutes, une à une, sans compter, sans rien faire d'autre à vrai dire que de penser à Rose, à Sally et à la fin qu'il savait proche. Et puis le temps avait passé sans qu'il ne s'en rende compte. De moins en moins lucide - voire même en proie à quelques badtrips dus au mélange explosif drogue / alcool / médicament - il avait vu sans vraiment le voir le soleil se coucher et avait décidé de se relever pour saluer le crépuscule de sa vie à lui aussi.
22H45 Complétement bancal et déséquilibré, tant par son état de délabrement que par le déluge qui semblait pleurer le désespoir de l'acte qu'il s'apprêtait à commettre, Jed profita d'être de nouveau debout pour terminer ce qu'il lui restait d'alcool (une bonne partie du liquide lui coula sur le long du menton car il ne savait déjà plus viser sa bouche ...) et laisser tomber la bouteille vide dans le fleuve. Peut-être était-ce l'effet de son imagination, mais le temps qu'elle mit à percuter la surface mouvante de l'eau lui sembla durer une éternité ... Qu'importe, bientôt il irait la rejoindre. Mais, d'abord, il lui fallait enjamber la rambarde et ce ne fut pas une mince affaire car, dès qu'il leva la jambe dans l'optique de passer de l'autre côté, son sens de l'équilibre sembla s'évanouir ... Au final, il dut s'y reprendre à 3 fois avant de parvenir à passer outre.
22h48 Les bras tendus vers l'arrière, seulement retenu à la vie par ses doigts qui entouraient le fer de la barrière, Jed sentait le vide l'attirer inexorablement. Son corps penché vers l'avant formait un angle d'environ 30 ou 35 ° avec le pont et plus le froid lui paralysait les membres, moins il sentait ses mains le retenir à la structure. Ses paupières étaient lourdes, certainement l'effet de la dernière boite de médicaments ingurgités qui se trouvaient être des somnifères. Fébrile, il aurait voulu avoir une pensée claire et cohérente avant de tout lâcher et de sombrer pour toujours mais ses neurones ne semblaient plus à même de répondre. Des brides de souvenirs se mélangeaient à la réalité en lui donnant l'impression d'entendre les rires de son enfance à travers le fracas de la pluie qui faisait que son t-shirt lui collait à la peau. Le monde bougeait autour de lui : l'eau, les arbres, les lignes droites ... il délirait de plus en plus. Aussi ne se rendit-il pas tout de suite compte qu'une paire de bras venaient de l'empoigner et de le ramener vers l'arrière, plaqué à la rambarde et non plus scandaleusement penché vers le vide. Ce n'est que lorsque la voix d'Ella s'éleva à son oreille qu'il sembla réussir à capter la réalité, mais le manque d'étonnement dont il fit preuve en constatant sa présence dans son dos suffisait à lui seul à démontrer qu'il était déjà trop tard pour que Jed Vargas puisse revenir derrière la ligne, qu'elle soit physique ou mentale. « Rappelle-toi ... Rappelle-toi, mais ... ne va pas la rejoindre. » Vidé de toute substance depuis qu'il avait pleurer toutes les larmes dont il était capable suite au départ de Rose, il ne répondit pas, se contentant de fixer la surface du fleuve noirâtre dans la pénombre. « Souviens-toi du chêne. Des messages qu'on échangeait. » C'était si loin tout ça qu'il ne parvenait plus à s'en souvenir. Comment aurait-il pu se remémorer les bons moments passés ensemble alors que tant de choses avaient si mal tourné depuis ? D'autant plus qu'il ne se sentait pas la capacité mentale de penser à la fois à Sally et aux souvenirs qu'il partageait avec celle qui le serrait de toutes ses forces pour éviter qu'il ne tombe. Il y avait dans son cerveau comme un manque de mémoire RAM et cette incapacité inhabituelle venait très certainement des consommations excessives de sa soirée. « De la souris et du lion ! Les rôles sont inversés et la souris regrettera le lion si tu pars. » Là, il y eut comme un sursaut de conscience au sein de son esprit. L'image claire, nette et précise de sa défunte sœur sembla s'estomper quelque peu, laissant entrevoir des images de ce fameux soir où Ella en était venue à comparer leur relation à celle de la fable pour enfants. « Reviens de ce côté, Jed ... S'il te plaît. » Déstabilisé par la position à mi chemin entre hallucinations et réalité dans laquelle il se trouvait, Vargas ne parvint pas à répondre aussi clairement qu'il l'aurait voulu. Même faire des phrases devenait compliqué, il ne pouvait que divaguer, faire des regroupements d'idées et espérer se faire comprendre : « Le lion ... Je te l'avais dis. Je t'avais dis qu'il était pas net ... Y parait que les chats n'aiment pas l'eau ... » Marmonna-t-il en louchant sur les eaux tourbillonnantes qui s'étendaient à ses pieds.
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Ven 11 Fév 2011 - 6:38
Serrant ses mains de toutes ses forces autour du corps de Jed, qu'elle attirait contre elle pour l'empêcher de basculer dans le vide, elle sentait que ses doigts glissaient à cause de la pluie et qu'elle devait redoubler d'efforts pour conserver son emprise sur lui. Trop effrayée pour le relâcher, elle ferma les yeux pour tenter de s'imaginer ailleurs, au chaud, en sécurité, mais tout ce qu'elle voyait lorsqu'elle fermait les paupières, c'était une chute. Interminable. Brutale. Son coeur battait si fort qu'elle avait l'impression qu'il quitterait sa poitrine pour rejoindre celui de Jed, de l'autre côté de la rambarde. Ella n'avait jamais été autant désorientée et les sentiments qu'elle éprouvait, tellement confus, ne suffisaient pas à lui dire si elle faisait réellement ce qu'elle devait faire ou si, au contraire, trop persuadée que Jed méritait une seconde chance, elle filait droit dans le mur. Elle ne pouvait pas tout abandonner maintenant, elle avait fait trop d'efforts pour tenter de lui faire apprécier la vie telle qu'elle était; elle ne lui avait pas proposé d'habiter chez Lawson simplement parce qu'il n'avait nulle part où aller, elle avait voulu qu'il comprenne qu'elle s'inquiétait pour lui et qu'un adulte pouvait le faire également. Qu'il n'était pas tout seul comme il semblait bien le croire. Et si elle s'était trompée? Et si Jed ne pouvait tout simplement pas surpasser le drame qui s'était passé dans sa vie? Et s'il avait décidé qu'il n'avait pas besoin d'aide et que personne n'y pouvait rien? Elle avait cru, à tort peut-être, qu'ils se comprenaient tous les deux et qu'il pourrait, avec le temps, passer à autre chose comme elle-même l'avait fait. Elle avait cru qu'il allait mieux, mais cette soirée avait tout gâché, le replongeant au plus profond de ses cauchemars alors qu'elle n'avait pas su l'aider et lire entre les lignes pour comprendre qu'il se passait quelque chose de grave. Elle n'avait pas su.
Le silence de son ami alors qu'elle tentait vainement de lui faire entendre raison ne fit que l'attrister davantage, incapable de retenir ses larmes plus longtemps. Elle croyait encore au miracle, jusqu'à la dernière seconde. Elle avait pensé que ce n'était que son goût du risque, qu'il repasserait aisément de l'autre côté pour la retrouver et qu'il lui expliquerait ce qu'elle ne savait pas et surtout, ce qu'elle ne comprenait pas. Mais le doute s'effaçait complètement de son esprit, se mordant la lèvre alors qu'elle prenait conscience qu'il ne lui aurait fallut, peut-être, qu'une minute de plus pour arriver trop tard. Cette certitude la fit frémir alors qu'elle resserrait l'étreinte de ses bras autour du corps de Jed, tentant de le forcer à se rappeler tout ce qui le retenait encore ici. « Le lion ... Je te l'avais dis. Je t'avais dis qu'il était pas net ... Y parait que les chats n'aiment pas l'eau ... » L'adolescente déglutit, en proie à une violente crise de panique. Elle ne savait pas ce qu'elle pouvait faire, elle se retrouvait seule avec lui, seule au monde, incapable de gérer tout ce que la situation exigeait d'elle qu'elle fasse. Pourquoi est-ce que toutes ces voitures passaient encore sur le pont sans même s'arrêter? Pourquoi est-ce que personne n'avait jugé bon de le retenir avant qu'il ne grimpe de l'autre côté, prêt à sauter dans le vide? Elle ne se rappela qu'à cet instant la visibilité réduite qui devait être la leur alors que les phares des voitures avaient du mal à éclairer la voie; trop concentrés sur leur conduite, qui aurait osé lever les yeux en risquant de commettre un accident, ne serait-ce que pour s'assurer qu'il n'y avait pas un adolescent torturé et blessé prêt à se jeter en bas du pont? Personne. « Arrête, c'est pas vrai. » murmura-t-elle alors qu'elle posait son front contre l'épaule de Jed pour faire taire ses sanglots. « Pourquoi tu me parles pas? Pourquoi tu me dis rien? » lâcha-t-elle sur la défensive alors qu'elle ignorait pourquoi il ne lui avait rien dit, pourquoi elle avait dû l'apprendre par quelqu'un d'autre. Elle n'attendait aucune réponse, évidemment, elle n'avait même pas envie de le savoir.
Elle ne s'était rendue compte de l'odeur d'alcool qui émanait de Jed que maintenant, alors qu'elle se rappelait les cachets volés dans l'armoire de la salle de bain et qu'elle comprenait désormais qu'il avait tout mis en oeuvre pour ne rien éprouver lorsque viendrait le moment de sauter. Il avait tout mis en oeuvre pour se tuer. Cette pensée lui soutira un sanglot alors qu'elle ne savait pas comment prendre la chose. Regrettait-il tellement ce qui s'était passé avec Rose qu'il ne pouvait plus garder ce poids sur ses épaules? Et s'il avait des remords au point de vouloir se tuer, ne méritait-il pas une chance de s'expliquer? Son propre passé refaisait surface, son père qui mourrait d'une crise cardiaque, son retour chez sa mère, le départ de son frère. Elle aurait pu l'aider, s'il avait accepté son aide, mais elle avait la désagréable impression que c'était trop tard désormais, qu'elle n'avait plus aucun contrôle de la situation, qu'elle lui échappait totalement. « T'allais partir sans me dire au revoir et tu penses que j'aurais accepté ça? Pourquoi tu refuses de te battre? T'en vaux la peine, Jed. Je sais que t'en vaux la peine. » Déposant un baiser sur sa joue alors que la pluie plaquait ses cheveux contre son visage, Ella ne parvenait pas à se dire que c'était peut-être la dernière fois qu'elle lui parlait, la dernière fois qu'elle le voyait en vie. Ses lèvres quittèrent sa joue alors qu'elle mordillait l'intérieur de la sienne, terrorisée par l'issue possible de ce moment passé tous les deux. C'était la première fois que ses prunelles s'égaraient sur les vagues en contre-bas et une pensée, fataliste, lui traversa l'esprit: c'était assez haut pour se tuer.
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Sam 12 Fév 2011 - 3:50
« Arrête, c'est pas vrai. » Mais si. C'était vrai. Si seulement tu savais ... Pensa-t-il en fermant les yeux, ce qui eut pour effet de lui faire tourner la tête à une vitesse vertigineuse, comme si ne plus avoir de point de repère visuel le précipitait déjà dans le vide de son esprit embrumé par l'alcool (et le reste), faute de le précipiter physiquement dans le vide. « Pourquoi tu me parles pas ? Pourquoi tu me dis rien ? » Étaient-ce des sanglots qui faisaient trembler sa voix ou simplement le froid tranchant qui - combiné à la pluie et au vent - les faisait ressembler à des glaçons collés au fond d'un verre ? Il ne savait pas, il ne savait plus, ses sens le trahissaient de toutes parts. D'abord la vue, maintenant l'ouïe, bientôt le touché très certainement ... Il s'éteignait à petit feu et ne s'inquiétait pas pour la suite des évènements : poids mort, elle n'arriverait plus à le porter pour l'empêcher de tomber. Et puis, de toute façon, lui parler, oui, mais dire quoi ? Qu'aurait-il pu lui dire d'autre que " Pars, fuis, laisses-moi. Je suis un danger pour toi et pour les autres " et qu'aurait-elle pu répondre d'autre que " Non, pas sans comprendre ! " ? Il avait déjà essayé, elle n'avait pas écouté, il n'y avait plus rien à dire. La preuve en avait été faite avec Rose : certaines choses ne s'expliquaient pas, ne se parlaient pas, étaient inécoutables et gagnaient donc visiblement à rester secrètes. Quitte à ce que - comme dans ce cas précis - le trop plein de refoulement et de prise sur soi en vienne à faire dégénérer la situation. « T'allais partir sans me dire au revoir et tu penses que j'aurais accepté ça ? Pourquoi tu refuses de te battre ? T'en vaux la peine, Jed. Je sais que t'en vaux la peine. » S'il en avait eu la force, peut-être se serait-il retourné vivement pour la gifler afin de la ramener à la réalité, mais comment la ramener à la réalité quand lui-même n'en faisait déjà plus partie ?
L'infinité du ciel, l'horizon à perte de vue, la profondeur sans fin du fleuve et la lourdeur indéfinissable de chacun de ses muscles, tout ça lui donnait une impression d'ailleurs qui jugulait tout sentiment violent. Crier, frapper, secouer, ces mots ne faisaient déjà plus partie de son vocabulaire. Plus les secondes s'égrainaient et moins sa conscience des choses était présente ; ou alors peut-être était-ce sa perception du monde qui changeait ? Les étoiles, les gouttes de pluie qui glissaient sur sa peau, le chaud / froid provoqué par le souffle d'Ella sur sa joue lorsqu'elle l'embrassa ... Il n'avait plus d'yeux que pour les menus détails, comme si chaque chose qu'il n'avait jamais assez pris la peine de considérer de son vivant cherchait à s'imprimer dans son esprit à la dernière minute, avant qu'il ne quitte ce monde. Envouté par le champ des sirènes de son imagination vagabonde, Jed s'imaginait déjà retrouvant sa sœur dans l'un de ces paradis artificiels aux allures de ceux qu'il s'était créé jadis à grands coups d'ecstasy ou de pétards trop chargés. Il se voyait déjà la rejoindre et lui raconter comme le ciel était noir le jour de son suicide, contraste parfait avec le soleil éclatant du jour où Sally était morte ; et ils riraient à en perdre haleine, tous les deux, main dans la main peut-être, même s'ils n'avaient jamais été très câlins l'un vis à vis de l'autre de leur vivant.
Toutefois ... Quelque chose qui devait être une infime part de lucidité non encore étouffée par l'effet des médicaments lui souffla de ne pas partir sans avoir mis les choses au clair. Pour qu'on ne le regrette pas, pour qu'Ella cesse de pleurer et afin que ce geste destiné à mettre fin à sa douleur n'en fasse pas naître une chez cette adolescente qui s'était donnée corps et âme pour sa cause perdue, il fallait qu'il soit franc et - ça tombait bien - l'alcool et la drogue semblaient tous disposés à l'aider en ce sens. Lentement, avec des gestes qui se voulaient précautionneux, Jed retira l'une de ses mains de la rambarde pour forcer celles d'Ella à le lâcher et - pour qu'elle n'aille pas s'imaginer que ce geste signait l'arrivée de la fin pourtant proche - il se dépêcha de se retourner le temps que son étreinte se desserra un peu. Toujours debout, toujours de l'autre côté de la rambarde - mais face à elle et dos au vide cette fois - il fit l'effort de la regarder droit dans les yeux. Pluie et larmes lui inondaient le visage, à cette proximité il pouvait compter chacun de ses cils. Avant de lui dire adieu, il voulait s'assurer qu'elle ne le regretterait pas pour de mauvaises raisons :
« J'ai ... Je crois que ... » Autant être franc, il lui devait bien ça. Ici le mensonge n'aurait pas été bénéfique comme il l'avait été avec Rose. S'il ne voulait pas qu'elle le regrette pour les mauvaises raisons, il ne voulait pas non plus qu'elle le haïsse pour des mensonges. « Peut-être que j'ai violé Rose. » Sa logique lui disait de détailler pour justifier l'emploi de ce " peut-être ", mais son esprit peinait de plus en plus à joindre les deux bouts. Les arguments qui lui vinrent à l'esprit n'étaient pas aussi clairs que ceux qu'il aurait pu servir pour sa défense face à Lancaster et qu'il avait préféré taire afin de ne pas semer le doute. « Drogues. Musique. Lumière ... Trop. J'avais l'impression de sentir la lumière sur ma peau ... et puis de ne plus rien sentir du tout. Je ... » Les détails de la Skins Party lui échappaient complétement. A l'échelle de son endormissement imminent, sept jours représentaient une éternité à se souvenir. Tout ce dont il se rappelait c'était les lasers, l'alcool, la foule, le bruit et cette impression de perdre pieds - un peu comme il perdait pieds en cet instant - avant de sombrer dans le néant qui lui avait provoqué un trou noir ; exactement comme le néant dans lequel il se sentait sombrer à l'instant, à ceci près que, cette fois, il n'y aurait pas de réveil douloureux. Finit la douleur, adieu. A jamais.
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Sam 12 Fév 2011 - 5:58
Lorsque la main de Jed lâcha la rambarde et que les siennes glissèrent en permettant à son ami de s'échapper, Ella crut qu'il allait sauter dans le vide, se laisser tomber, jusqu'à ce qu'il se retourne pour lui faire face. L'adolescente avait toujours pu lire dans ses yeux et ce qu'elle y voyait à présent l'effrayait, alors que la détermination de Jed semblait n'avoir d'égale que la hauteur du pont sur lequel ils se tenaient tous les deux. Non. Ce n'était pas de la détermination; c'était de la résignation. Elle avait l'impression qu'il avait accepté la situation et que plus rien ne pourrait le faire changer d'avis. Elle avait l'impression que d'un simple regard, il venait de lui dire adieu. Sans ciller, elle avait posé ses prunelles au creux des siennes, persuadée qu'il ne pouvait plus rien ressentir de par la couleur de ses yeux, qui témoignait de la dure nuit qu'il venait de passer et des joints qu'il s'était enfilés. Elle ne savait même plus pourquoi elle faisait l'effort de le regarder alors qu'elle savait que c'était trop tard, qu'il n'avait plus que deux pas à faire pour franchir la distance qui le séparait d'une mort certaine.
Les avant-bras posés sur la rambarde, elle avait coupé le contact physique avec lui dès lors qu'il lui avait fait face, pestant contre ce garde-fou trop bas qui n'avait pas empêché Jed d'y grimper. Son corps à elle semblait s'agripper à la clôture de sûreté, celle-là même qui empêchait les voitures de faire un plongeon forcé dans l'eau noire en cas d'accident, comme si cela pouvait attirer Jed à elle et l'empêcher de sombrer lorsqu'il perdrait pied. Quelle ironie, de savoir que malgré tout, son ami se retrouvait de l'autre côté, prêt à sauter, alors que les voitures étaient en sécurité sur la route, tous phares allumés pour tenter d'y voir plus clair au travers du rideau de pluie. Les deux adolescents étaient invisibles, indiscernables alors qu'ils n'intéressaient personne. Il était trop tard, il faisait trop noir et le temps était trop mauvais pour que les conducteurs et leurs passagers fassent l'effort de regarder autour d'eux; tout ce qu'ils désiraient, c'était rentrer chez eux. Ella aurait tout donné pour être assise dans l'un de ces véhicules, Jed à ses côtés, à l'abri de la mort. Elle la sentait toute proche et elle ne pouvait rien y faire. Elle allait baisser les yeux lorsque Jed prit la parole, la jeune fille se mordant la lèvre sans quitter son regard, sans fuir ce qui la terrifiait. « J'ai ... Je crois que ... » Silencieuse, elle tut les pensées qui lui martelaient le crâne en tentant de se focaliser uniquement sur Jed. Jed qui ne savait plus trop ce qu'il faisait. Jed qui ne savait plus trop ce qu'il disait. Jed qui perdait pied. Et elle sombrait avec lui. « Peut-être que j'ai violé Rose. » Incapable de lui dire qu'elle était déjà au courant, le choc de l'entendre de sa bouche la fit baisser les yeux alors qu'elle fermait les paupières de toutes ses forces pour tenter de se réveiller en plein cauchemar, avec un cri qui pourrait peut-être alerter Lawson - ou même Jed! - mais qui lui ferait comprendre qu'elle n'avait plus qu'à ouvrir les yeux pour que le rêve s'estompe, pour que tout redevienne comme avant.
« Drogues. Musique. Lumière ... Trop. J'avais l'impression de sentir la lumière sur ma peau ... et puis de ne plus rien sentir du tout. Je ... » Ouvrant les yeux en mordillant sa lèvre, elle dut faire un effort considérable pour poser son regard dans le sien à nouveau, se sentant presque soulagée par les propos incohérents de son ami. Il ne semblait pas se souvenir et si Ella savait pertinemment que Rose avait raison, elle savait également que Jed pouvait ne pas avoir tort. Ses mains glissèrent le long des bras de son ami jusqu'à se poser sur ses joues en entourant son visage. Ses larmes étaient désormais une source tarie et seule la pluie coulait présentement le long de ses joues. Elle voulait qu'il la regarde, elle voulait qu'il l'écoute sans se laisser distraire. « T'as pas voulu ça, Jed ... C'est ce qui fait toute la différence! T'as pas voulu ça ... » Incertaine, elle recula légèrement son visage, anciennement posé à quelques centimètres du sien. Elle avait formulé sa phrase comme une affirmation, sans savoir si elle tentait de se convaincre elle-même ou de le convaincre lui. Elle ne voulait pas qu'il se souvienne, elle ne voulait pas qu'il ait prémédité son geste, elle ne voulait pas qu'il ait mal agi volontairement. Elle préférait se dire que tout ça n'était qu'une erreur, qu'un malentendu, et qu'il n'avait rien à y voir, même si elle savait que c'était une utopie d'y croire.
« T'as pris trop de trucs, Jed ... Tu penses plus normalement. S'il te plaît... » avoua-t-elle alors que l'une de ses mains retombait jusqu'à serrer la sienne entre ses doigts pour faire une douce pression et le tirer vers elle. Il devait revenir. Il ne pouvait pas partir et il devait revenir de ce côté-là. Avec elle. Regarder en bas lui avait donné la nausée, mais depuis qu'elle y avait glissé ses prunelles, elle ne pouvait plus vraiment s'en détacher, consciente que ce n'était pas un effet d'optique et que le pont était délibérément trop haut. Ses doigts s'entrelaçaient aux siens alors que son regard se posait sur leurs deux mains, l'écart entre Jed et elle semblant se multiplier alors qu'ils étaient pourtant si près l'un de l'autre, physiquement. Seule la rambarde les séparait et la main d'Ella glissait, comme si tout était contre elle pour l'empêcher de retenir Jed, comme si tout semblait lui dire de le laisser partir, alors que la jeune fille resserrait ses doigts dans une tentative désespérée de conserver la distance minime qui les séparait, le lien qui les unissait. S'il te plaît ... Reviens ... semblait-elle le supplier en plongeant de nouveau son regard dans le sien, espérant presque pouvoir le retenir par la seule force de ses prunelles bleu océan. Ironie, quand tu nous tiens.
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Sam 12 Fév 2011 - 22:35
Combien de temps était-il resté planté là à se perdre entre tentative de se souvenir et divagations de moins en moins cohérentes ? Une semaine, un jour, une heure ? Une seconde ? Le temps n'existait plus ; cette notion là aussi il venait de la perdre. C'est à peine s'il sentit les mains d'Ella remonter le long de ses bras, faute d'avoir pu voir et comprendre les expressions de son visage torturé par ses propos. Libéré de toute responsabilité maintenant qu'il avait fait l'effort de lui avouer ce qu'il refusait qu'elle ne sache pas, il se sentait plus libre, plus léger ; comme si un simple coup de vent plus brutal que les autres avait pu suffire à le faire basculer en arrière et à planer une dernière fois avant la fin. Il avait les paupières lourdes lorsqu'elle reprit la parole et eut bien du mal à la fixer encore puisque ses yeux semblaient vouloir se révulser envers et contre tout. « T'as pas voulu ça, Jed ... C'est ce qui fait toute la différence! T'as pas voulu ça ... » Sa voix raisonnait en écho, atténuée par un voile épais de fatigue, de distance et de fièvre aussi, sûrement. " Avoir voulu " quoi déjà ? Il ne se souvenait plus du début de la conversation, les informations entraient d'une oreille et ressortaient de par l'autre sans parvenir à s'encrer dans son esprit. S'il avait été plus lucide, il aurait certainement eu l'idée de s'auto-comparer à une carte mémoire saturée, mais le fait était qu'il avait déjà dépassé le stade où les rapprochements d'idées et d'images mentales ne se faisaient plus. Coquille vide, il se réduisait de plus en plus à la forme d'un corps abandonné par l'esprit qui jusque là en était le pilote et - bizarrement - ce sentiment de disparition progressive ne le paniquait pas. Il y avait - dans l'abandon de lui-même - quelque chose de libérateur au possible. Ne plus rien sentir, ne plus rien savoir, ne plus rien comprendre. D'ici quelques minutes il en serait réduis à un état végétatif et il n'attendait plus que ça à vrai dire.
Cependant, Ella, elle, ne semblait pas aussi décidée que lui à laisser les choses se faire sans réagir et, tandis qu'il commençait à ne plus réussir à garder la tête droite tant les somnifères l'assommaient, c'est avec une détermination farouche qu'elle resserra ses doigts autour des siens. Interpellé par cette pression qu'il ressentit sans pour autant parvenir à en extraire toute la détresse, Jed fit l'effort surhumain de rouvrir ses yeux sur le point de se fermer. Nielson n'était plus qu'une forme tremblotante et aux contours incertains. Immobile, elle entrait en contraste parfait avec la circulation des voitures qui lui passaient dans le dos et qui - aux yeux de Jed - se résumaient à des trainées lumineuses toutes plus rapides les unes que les autres, comme des étoiles filantes ... Chancelant, il se fit l'ultime réflexion qu'un dernier sourire pour qu'elle s'en aille sans regrets serait approprié. Aussi se pencha-t-il vers elle pour gagner en visibilité à travers le voile d'imprécision qui lui barrait la vue :
« C'était bien, quand même ... de te connaitre. » Murmura-t-il à son oreille sans même parvenir à entendre ses propres mots. Là, il se libéra de son emprise et lui attrapa à son tour le visage entre ses mains pour venir déposer un baiser sur son front. Sa peau - qui, pourtant, était glacée - lui parut chaude en comparaison de la froideur morbide de ses propres lèvres. Les yeux fermés, il finit par se reculer pour lui sourire sereinement en preuve que plus rien au monde ne pouvait lui nuire désormais, mais la preuve fut faite qu'il se méprenait lorsqu'il sentit - trop tard - la lanière glissante de son sac sous la semelle de sa chaussure. Figé d'horreur, il sentit la gravité perfide et opportuniste profiter de son déséquilibre pour le happer vers le vide. Ses doigts glissèrent des joues d'Ella sans qu'il puisse s'y retenir et bientôt tout s'inversa autour de lui. Passant d'une position verticale à une position horizontale, il ne prit conscience de la vitesse à laquelle il évoluait qu'en réalisant que l'adolescente rapetissait à vue d'œil. Voilà, il tombait. Ses bras, soulevés par le vent, semblaient battre l'air en une supplique silencieuse pour remonter le temps. Quant à ses jambes, elles pendaient dans le prolongement de son corps, apparemment résignées à l'idée qu'il lui était impossible de marcher dans l'air. Son t-shirt - qui, jusqu'alors, lui collait au corps à cause de la pluie - lui foutait désormais la peau, toujours sous l'effet de ce vent mordant et décuplé par le vitesse de la chute ... A mi chemin de cette dégringolade vertigineuse, il lui sembla que son cœur rata un battement. Comme s'il s'était trouvé propulsé dans les montagnes russes, des frissons lui paralysèrent la cage thoracique et lui coupèrent le souffle. Tétanisé, il ferma les yeux.
Impact.
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(#) Sujet: Re: Swallowed in the sea | Jed Dim 13 Fév 2011 - 8:15
« C'était bien, quand même ... de te connaitre. » Secouant la tête alors qu'elle refusait d'y croire, les mains de Jed glissèrent sur ses joues sans qu'elle ne puisse les couvrir des siennes, trop terrifiée pour oser faire un seul geste, comme si bouger le petit doigt pouvait le précipiter dans le vide et le faire disparaître à tout jamais. L'utilisation de l'imparfait la fit frémir, alors qu'elle savait pertinemment que c'était trop tard, qu'il n'avait pas l'intention de la retrouver de ce côté-là de la rambarde. Elle avait échoué. Elle n'avait pas su le retenir. Le baiser sur son front suffit à lui faire fermer les yeux en tremblant, consciente que c'était bel et bien des adieux qu'il lui faisait. Pétrifiée, tétanisée, elle était tout à fait incapable de prononcer un son, mais elle n'ouvrit les yeux qu'au moment où elle le vit perdre l'équilibre, ses mains s'arrachant brutalement de sa joue sans qu'elle ne puisse faire un geste pour tenter de le rattraper. « JED! » hurla-t-elle alors que son ami disparaissait, s'évanouissait, partait. Le froid qui mordait sa peau n'était plus rien comparé à la douleur provoquée par cette chute, alors qu'elle posait les mains sur la rambarde en lui hurlant de revenir, en lui demandant de ne pas la laisser. Inconsciente, elle fit demi-tour alors qu'elle ne parvenait même plus à voir devant elle tellement les larmes lui entravaient la vue. Elle avait cru qu'elle avait suffisamment pleuré, mais les larmes coulaient toutes seules sans même qu'elle ne puisse les retenir. Elle courait sans faire attention, voulant à tout prix atteindre la fin du pont pour aller chercher Jed. Il avait besoin d'elle. En vie ou mort, il avait besoin d'elle plus que quiconque.
Le bruit d'un klaxon la fit sursauter vivement alors qu'elle ne prenait même pas la peine de se retourner, sautant de l'autre côté du garde-fou dès lors qu'elle fut de nouveau sur la terre ferme. Elle n'y voyait pas grand chose, tout était trop sombre. « JEEEEEED! Je t'en prie, Jed! » s’époumona-t-elle alors qu'elle courait dans l'eau sans se rendre compte que la pente était beaucoup trop abrupte et qu'elle en aurait bientôt aux hanches. Paniquée, terrifiée à l'idée qu'elle ne le retrouve pas, elle ne se rendit compte que quelques secondes plus tard que la lumière des phares de la voiture qui l'avait presque renversée l'éclairait et que son conducteur l'avait suivie jusque là sans comprendre ce qu'elle faisait. « Mon ami ... Mon ami, il est tombé, je sais pas où il est! Je sais pas! » Ses prunelles cherchaient vivement une forme quelconque à laquelle se raccrocher, alors que le froid engourdissait peu à peu ses membres et qu'elle grelottait, ses vêtements lui collant à la peau et l'empêchant de se déplacer avec aisance dans l'eau. « Mon téléphone est dans la voiture. Va le chercher et appelle l'ambulance! Je vais le trouver. » Paniquée, Ella ne sut pas quoi faire d'autre que d'acquiescer à la demande de l'inconnu, alors que l'homme était déjà dans l'eau, plus loin qu'elle, à la recherche de Jed. Il ne se serait pas lancé à sa suite dans l'eau s'il n'avait pas eu de bonnes intentions et Ella, désespérée, ne parvenait plus à réfléchir normalement.
Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux alors qu'elle tentait de faire vite en retrouvant la berge, courant jusqu'à la voiture de l'inconnu, qu'il avait laissé déverrouillée et dont elle s'empressa d'ouvrir la portière du côté du passager pour récupérer le téléphone posé sur le siège. Elle dut s'y prendre à deux fois pour composer le numéro des urgences, ses doigts étant trop engourdis pour taper correctement sur les touches. « Une ambulance. Vite! Au pont de Miami. Il est tombé et il va se noyer! Il s'est tué, peut-être. S'il vous plaît, faites vite... » paniqua-t-elle en donnant les informations qu'ils demandaient sans vraiment réfléchir, voulant à tout prix qu'ils lui envoient quelqu'un. Quelqu'un pour les aider. Quelqu'un pour l'aider, lui. Il ne pouvait pas être mort, il ne pouvait pas s'être tué en tombant du pont, c'était impossible. Elle avait besoin de lui. Elle ne pouvait pas le perdre comme elle avait tant perdu déjà.
Et elle les vit. L'inconnu qui nageait en portant Jed. L'inconnu qui le ramenait.
Et la jeune fille recula en secouant la tête alors qu'elle refusait de voir dans quel état il se trouvait, incapable de l'imaginer à des lieues d'ici, dans un autre monde. L'adolescente trébucha en reculant, son pied s'enfonçant dans la boue alors que les sirènes se faisaient déjà entendre. Le sauveteur de son ami lui demanda de s'éloigner afin de lui éviter la vision d'horreur qu'était sans doute la vue d'un Jed en fort mauvais état. Si Ella refusait de se rendre à l'évidence, elle ne pouvait toutefois pas quitter la silhouette inanimée de Jed, ses prunelles de nouveau emplies de larmes. Elle s'effondra au pied d'un chêne en laissant l'homme tenter de réanimer son ami, alors que l'ambulance ne tarderait pas à arriver, alors qu'elle ne savait même pas ce qui se passait et qu'elle n'osait pas poser de questions, trop incertaine quant aux réponses qu'elle recueillerait.