(#) Sujet: Une virée au cimetière ❀ Flynn Mar 18 Jan 2011 - 0:00
Flynn & Louna Cimetière de Fort Lauderdale.
Aujourd'hui, ça faisait 2 ans jour pour jour que le drame avait eu lieu. Deux ans que j'avais l'impression d'errer tout le temps toute seule, même lorsque j'étais entourée de mille personnes. Deux ans qu'un vide profond s'était formé en moi, comme si jamais je ne pourrais le combler. Comme si j'étais condamnée à ne jamais redevenir celle que j'étais. Pourtant, en apparence, je n'avais pas trop changé. J'étais un peu plus tête en l'air oui, et beaucoup plus maladroite. Si maladroite que ça en devenait inquiétant et stressant. Il fallait dire que se demander sans cesse quand est-ce que j'allais encore tomber, me couper, ou rentrer dans quelqu'un était fatiguant à la longue. Mais petit à petit, je m'y habituais. Enfin, je crois. Donc, ça faisait deux ans que l'incendie avait eu lieu. Deux ans de ma vie si durs, si intenses, si douloureux. J'avais vu et vécu des choses qui me hantaient encore la nuit. Sans parler des cauchemars qui me réveillaient en sueur au petit matin, ces maudits cauchemars ou je les entends encore hurler, alors qu'ils sont tous en train de se faire dévorer par les flammes. C'était si atroce...
Là, devant mon miroir je me regarde en silence. J'ai revêtue une robe noire, des escarpins noirs et une veste noire assez légère. Noir, la couleur du deuil. Un deuil que je porterais à vie je crois. On ne peut pas oublier ce genre de catastrophe. On n'oublie pas une silhouette enfantine qui se fait consumer et qui se tord de douleur. Et on oublie pas notre impuissance face à ça. Je plonge mon visage entre mes mains quelques instants alors que je sens mes jambes faiblir. Je m'assoie sur le rebord de mon lit, le cœur lourd. Je ravale les larmes que je sens monter à mes yeux, ce n'est pas le moment. Je me relève et tente de me faire plus assurée. J'attrape quelques paquets de mouchoirs que je glisse dans mon sac à main avant de sortir de chez moi. Je descend les quelques marches prudemment, n'ayant nullement l'envie de m'affaler au sol comme je le fais si bien dernièrement. J'arrive au bout de mon allée et j'attends. Flynn doit venir me chercher. Qui est Flynn ? C'est mon fleuriste. Je ne sais rien d'autre de lui, pas même pourquoi il a proposé de m'accompagner en ce jour si sombre. J'étais juste venue à sa boutique pour passer une commande importante de fleurs, pour le cimetière. Et il s'est mit à me parler. Il semblait si gentil que je n'ai pas hésité une seconde et ait poursuivit la conversation. Jusqu'au moment ou il m'a demandé pour qui était toutes ces fleurs. Ce fut trop dur et j'ai craqué. Je me suis retrouvée bête là, face à lui en train de pleurer. Mais il s'est montré doux et compréhensif. Et sans que je ne m'y attende, après lui avoir expliqué que c'était pour ma défunte famille, il s'est aussitôt proposé pour venir avec moi si je ne voulais pas être seule, si c'était trop dur. J'étais si faible sur le moment, que j'ai aussitôt accepté. Je ne crois pas regretter. J'avoue que je déteste y aller seule, c'est trop dur. Mais je n'ai pas donné beaucoup de détails à Flynn. Il ne sait pas encore qu'il va trouver 25 noms et prénoms sur la pierre tombale. Il ne sait pas que je suis la dernière Alterjo, que je n'ai plus personne. En même temps, comment dit-on à quelqu'un ce genre de choses ? Moi, je ne sais pas, je n'y arrive pas.
Un bruit de moteur me tire de mes pensées. C'est lui, il arrive. Je tente de me redresser et d'avoir l'air bien, mais en vain. Je sais bien que mes yeux si vides me trahissent tout comme la pâleur de mon visage. Mais je n'aime pas qu'on me plaigne. Il s'arrête juste devant moi et je monte aussitôt dans la voiture, je n'hésite pas. Les fleurs sont à l'arrière de la voiture, bien enveloppées, ne craignant rien. Ma gorge se noue à l'idée de ce que je vais devoir affronter, encore. Je lui offre un faible sourire, pourtant sincère, et annonce : « Merci d'être venu. J'espère que vous allez bien ? » Je n'ose pas le tutoyer. Je ne voudrais pas qu'il me croit impolie ou trop à l'aise avec les gens. Mon regard se porte ensuite droit devant moi alors que l'on redémarre. Nous avons 1h30 de route jusqu'au cimetière de Fort Lauderdale, là où est enterrée ma famille. Je me sens soudainement étrange. Je réalise tout juste que je vais faire ce voyage avec un parfait inconnu. Je le plonge dans mon intimité la plus profonde après seulement trois mots échangés. La situation me chamboule et m'étonne. Je ne ressens pourtant aucune appréhension. Le jeune homme dégage quelque chose de très calme et de rassurant. J'espère ne pas avoir fait une erreur.
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(#) Sujet: Re: Une virée au cimetière ❀ Flynn Sam 22 Jan 2011 - 20:23
Parfois, on ferait bien de taire la moindre de nos pensées. On devrait se contenter de sourire bêtement tout en promettant des choses que l’on ne fera jamais. Ou simplement, ne rien dire du tout et faire ce que l’on est censé faire : son travail, par exemple. Flynn l’avait appris à ses dépends. Le jeune homme était arrivé dans ce quartier il y a peu et pourtant, il pensait avoir vu tout ce qu’il y avait à voir. Jusqu’à ce qu’un matin, cherchant Ella, il tomba sur une scène qui l’éblouit. C’était un jeune homme facilement impressionnable. La simplicité et la beauté le satisfaisait en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Mais voir cette jeune femme danser aussi habilement le fascina. Il vint d’ailleurs à plusieurs reprises mirer la beauté de ses gestes en cachette. Et puis, comme si le hasard était un vilain cachotier, il avait fini par la rencontrer dans sa petite fleuristerie. Elle avait commandé une gerbe énorme de roses et ils avaient discutés. Parlant de chose et d’autres. Une chose en entrainant une autre, ils avaient abordé la raison de la commande. Et comme captif de son propre esprit, Flynn avait proposé à la demoiselle de l’accompagné sur la tombe qu’elle devait pleurer. Bien sûr, il n’avait pas réfléchis au fait qu’il ne la connaissait pas, qu’il n’avait pas de voiture, qu’il allait simplement faire tâche et puis le pire de tout : que voir un cimetière le ferait tout autant soufrir qu’elle. Cela n’allait pas être de la tarte. Pourtant, ce matin, comme promis il s’apprêta pour aller chercher Louna. Oups. C’est qu’il allait omettre un détail. Se dirigeant vers l’arrière boutique la petite fleuristerie qui lui servait un peu de logement, Flynn posa son regard sur son patron préparant avec passion un superbe bouquet de camélia. « Tim ? » Absorbé par son travail, le petit brun ne releva même pas la tête. « Hm ? » S’approchant doucement, Flynn s’empara d’une camélia qui traina sur la table et joua délicatement avec ses pétales dans l’espoir que les mots viendraient tout seul. « Tu te rappelles cette fille qui a commandé un bouquet de roses énorme ? Bah, j’ai dis que je l’accompagnerai au… » Les mots se perdirent dans sa gorge. Un regard bleuté se posa alors sur lui. « Qu’est-ce que tu veux, Flynn ? » Ce n’était pas une question agressive, mais Tim ne supportait pas que l’on tourne autour du pot pendant des heures. Il aimait aller à l’essentiel. Or, ce n’était pas le point fort de Flynn. Loin de là même. « Au cimetière ! Oui, je sais ce que tu vas dire : Mais ça va pas où quoi ? Tu l’as connait pas et puis on a des tas de clients et tout le toutim habituel. Mais elle avait l’air vraiment triste et… Enfin, il faudrait que j’emprunte la voiture de livraison… » Tim fronça les sourcils. « C’est hors de question. » Flynn afficha alors une moue boudeuse. Sous ses grands airs, son patron était un grand cible et il le savait. « Bon ben tant pis, elle ira pleurer à pieds et toute seule. Grâce à toi ! » L’homme grogna et lancé les clés au jeune homme. Il devrait être rentré avant la fermeture sinon, il allait devoir subir un sermon dont il avait horreur.
Flynn chargea alors le bouquet de roses dans la voiture et partit en direction d’une maison qu’il avait épié à plusieurs reprises. Lorsqu’il arriva, la jeune femme était déjà sur le pas de la porte, elle entra d’ailleurs rapidement dans la voiture, sans la moindre hésitation. Flynn quant à lui était gêné au possible. C’était la première fois qu’il se retrouvait dans une telle situation. Il n’avait pas vraiment fait ce genre de rencontre au cours de son existence. Il faut dire qu’on ne vit pas les mêmes choses dans la rue. La belle demoiselle lui offrit un sourire qu’il tâcha de lui rendre mais qui ressemblait plus à une grimace de crispation. Flynn Parker Nielson était tout simplement pitoyable en compagnie de jeunes femmes. « Merci d'être venu. J'espère que vous allez bien ? » Le jeune homme mis le contact en route et la voiture s’ébroua avant de s’élancer sur la route. Il hocha de la tête pour seul réponse. À vrai dire, les mots lui manquaient. Il avait peur d’entamer la conversation. Puisque s’il répondait un : ça va ? il devrait ensuite retourner la question… Or, il savait pertinemment que ce jour ne devait pas être le meilleur. Alors il roula en silence. Le trajet dura longtemps sans qu’il ne prononce un mot. Et même si la demoiselle s’était risqué à une réplique où l’autre, il se contentait de sourire, de hocher la tête ou d’ignorer tout simplement. Sa tête était pleine de phrases et de questions qu’il pourrait poser en tant voulu. Mais il estimait que ce temps n’était pas encore arrivé. Ils finirent par arriver au cimetière au le jeune homme se gara en deux ou trois mouvement. Il coupa le contact et resta assis imperturbable. Et au bout d’un temps qui lui sembla infini, sa voix s’éleva. « Je suis désolé. Je ne suis pas très bavard. Je dois avouer que j’ai peur de faire une gaffe. La moindre chose que je pourrais dire… Enfin, je ne sais pas si c’était une bonne idée de vous proposer cela. Un inconnu est sans doute la dernière personne que vous voudriez avoir avec vous pendant une telle journée… » Pourtant, il sortit de la voiture et la ferma à clé. Il porta à nouveau un regard sur la jeune femme, un pâle sourire aux lèvres. « C’est vous le guide. » Et il la suivit distraitement.
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(#) Sujet: Re: Une virée au cimetière ❀ Flynn Sam 29 Jan 2011 - 15:05
Il ne pipa pas un mot durant tout le trajet. Une certaine gêne m'envahit petit à petit, craignant de l'embêter avec mes histoires. J'ai beau me répéter que c'est lui qui s'est proposé de m'accompagner, je ne cesse de me torturer l'esprit. Peut-être avait-il tout simplement proposé ça par "politesse" en quelque sorte et il ne s'était pas du tout attendu à ce que j'accepte. Après tout, c'est vrai... Qui aurait accepté en temps normal ? "Oui bonjour, on ne se connait pas, je viens avec vous au cimetière dimanche ? -Oh, mais qu'elle bonne idée !" C'est du grand n'importe quoi et je crois qu'il n'y a que moi pour faire ce genre de chose. Je soupire discrètement, ne voulant pas éveiller ses soupçons. Si lui déjà n'a pas envie d'être là, il est préférable que j'essaye de tout faire pour paraître agréable et qu'il n'ait pas l'impression d'avoir gâché sa journée. Même si le cimetière n'est pas franchement le meilleur endroit pour se détendre et discuter autour d'une tasse de thé. Me voilà encore dans de beaux draps, je suis désespérante je crois. Mais depuis que je suis ici, j'ai comme perdu tous mes repères. Je me suis subitement retrouvée livrée à moi-même alors que j'avais l'habitude que l'on s'occupe de moi et je crois que du coup, je patine un peu. Pire même, j'ai l'impression d'avoir perdu certaines notions des choses. Par exemple ce qu'il se fait et ce qu'il ne se fait pas. J'ai l'impression de ne plus avoir les bons réflexes et de me comporter de telle façon que l'on ne voit plus que moi. Chose qui me hante terriblement puisque je n'aime pas qu'on me remarque spécialement. Le voyage s'écoule sans incident, et c'est uniquement lorsqu'il manœuvre pour se garer que je réalise que nous sommes arrivé. Je m'extirpe de mes pensées en douceur, alors que mes prunelles viennent se fixer sur le mur du cimetière. Mon rythme cardiaque s'accélère sensiblement et une certaine appréhension me contracte. J'inspire et expire le plus profondément possible et tente de me persuader que tout va bien se passer.
« Je suis désolé. Je ne suis pas très bavard. Je dois avouer que j’ai peur de faire une gaffe. La moindre chose que je pourrais dire… Enfin, je ne sais pas si c’était une bonne idée de vous proposer cela. Un inconnu est sans doute la dernière personne que vous voudriez avoir avec vous pendant une telle journée… » Je pose sur lui un regard inquiet et désolé. Mes doutes semblent se confirmer lorsqu'il dit que ce n'était finalement peut-être pas une bonne idée. J'occulte un peu la fin de sa phrase. La gêne me fait entendre ce qui "m'arrange", ou plutôt ce que je redoute le plus, et je suis alors persuadée qu'il n'a en effet aucune envie d'être ici avec moi. J'avale ma salive dans un élan désespéré et pour gagner du temps également. Les mots s'entrechoquent dans ma tête et je dois attendre quelques secondes avant de parvenir à les ressortir de telle sorte à ce qu'ils forment une phrase compréhensible. « C'est moi qui suis désolée. Je n'aurais pas dû vous amener, vous aviez très certainement autre chose à faire. Si... Si vous voulez vous pouvez rentrer, je trouverais bien un bus ou un taxi pour me ramener. » Mon regard exprime alors toute ma gratitude à son égard. Car même s'il ne veut pas être là, il a tenu sa parole et c'est déjà beaucoup à mes yeux. Je quitte la voiture à mon tour et ce qui devait arriver... arriva. Je suis du côté de la route et je ne veux pas trop empiéter sur celle-ci. Je me glisse dans la fine ouverture que j'ai créée avec la portière, et la referme rapidement derrière moi. Je fais un pas et... « Hhh.. Qu'est-ce que... ?! » J'ai coincé ma veste dans la portière. Je soupire et lui lance un petit sourire gêné. Je me décoince rapidement et m'empresse d'attraper les fleurs à l'arrière de la voiture. « C’est vous le guide. » Je le rejoins en me hâtant pour ne pas le faire attendre. Dans ma précipitation je ne fais pas attention au trottoir et calcul mal sa hauteur. Je me prend le pied droit dedans et bascule en avant en lâchant un petit cri de surprise à peine audible. Je jette ma main libre en avant pour me réceptionner en priant pour ne pas m'affaler par terre. Ce n'est pas tant moi qui m'inquiète, mais plutôt la tonne de rose que je tiens dans l'autre bras. Par chance, le pire n'arrive pas. Je me redresse d'un coup, morte de honte et les joues brûlantes. Je passe ma main amochée dans mes cheveux et n'ose même pas relever les yeux. Je réajuste ma robe et lâche doucement : « Faites pas attention... Ça m'arrive tout le temps. »
Le plus important pour le moment, c'est surtout de ne pas abîmer l'énorme bouquet. Déjà parce qu'il a coûté cher, mais également parce que la personne qui l'a fait est juste à côté de moi. Nous pénétrons dans le cimetière et je tiens la grille le temps qu'il rentre à son tour. Nous remontons l'allée centrale en silence tandis que je fixe le sol pour être sûre de ne trébucher dans rien. Et l'avantage dans un cimetière, c'est qu'il ne risque pas d'avoir d'arbre ou de poteau sortit de nul part que je pourrais me prendre. Je lui indique alors de l'index que nous tournons à droite. Arrivé au bout du cimetière, c'est une large pierre tombale de marbre gris foncé. Plus nous nous approchons, plus mon cœur se serre. Sans réfléchir, j'empoigne la main de mon coéquipier. J'ai besoin d'un contact physique, de quelque chose qui me ramène sur terre. Mes lèvres tremblent discrètement alors que nous nous arrêtons face à l'immense tombe, recouvrant pas moins de 20 prénoms. Je détache mon regard de celle-ci quelques instants pour le poser dans le ciel vide. C'est d'une voix tremblotante que je lui demande : « Vous m'aidez ? » Je m'approche de la pierre avec le bouquet. Je veux l'installer le plus en arrière possible, mais celle-ci est déjà recouverte de nombreux autres bouquets et plantes en pots diverses et variées. J'ai besoin qu'il fasse un peu de place. Le poids du bouquet commence d'ailleurs à se faire quelque peu ressentir sur mon bras. J'essaye de me concentrer uniquement sur ça pour le moment. Toute autre pensée est trop douloureuse.
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(#) Sujet: Re: Une virée au cimetière ❀ Flynn Sam 19 Fév 2011 - 20:29
Spoiler:
désolée du long temps d'attente. :snef:
Flynn n’avait jamais été un très grand bavard. Bien au contraire. Ce qu’il aimait dans la poésie des mots, c’était ses résonnances et ces mélodies merveilleuses qui prenaient vie lorsqu’ils étaient prononcés. Une sorte de redécouverte éternelle sur le sens de la vie, des sons, des mots, d’une langue. Il ne s’en rendait pas véritablement compte, il était simplement un peu absent. Toujours entrain de rêver. Entre ici et là-bas, il s’imaginait un monde où tout ne serait que féérie et où les mots n’auraient plus lieu d’être. Ils ne seraient qu’une douce berceuse prononcée avant le sommeil tant redouté. Voilà sans doute pourquoi les mots lui resetaient encore bloqué dans la gorge en compagnie d’une charmante demoiselle. Mais ce n’était sans doute pas la seule et unique raison. La nostalgie et la mélancolie qu’il restait en se rendant dans un cimetière devait avoir une incidence sur sa façon de se comporter. Après autant d’années, il n’avait jamais eu l’obligeance d’aller voir son père. Et voilà que cette fille arrivait et qu’il l’accompagnait voir les siens. Qui au juste, il n’était pas certain de l’avoir compris. Mais une chose est sûre, il s’en voulait de faire cela. Et pour elle, et pour son père et sans doute un peu pour lui aussi. Il ne la connaissait pas, il n’avait pas le droit de lui voler se moment d’intimité. Son père ne méritait pas non plus d’être snobé alors qu’il allait voir des inconnus. Et lui-même n’était pas véritablement prêt à faire face à la mort. Il avait beau avoir vingt-quatre ans aujourd’hui, être un homme ou le prétendre, il n’arrivait pas à accepter cela. Ce sentiment de solitude aberrant qui lui prenait les tripes lorsqu’il songeait au passé… Mais il fallait qu’il se ressaisisse et bien vite. Il fallait également qu’il explique son silence maladroit et sa gaucherie évidente.
« C'est moi qui suis désolée. Je n'aurais pas dû vous amener, vous aviez très certainement autre chose à faire. Si... Si vous voulez vous pouvez rentrer, je trouverais bien un bus ou un taxi pour me ramener. » Flynn ouvre la bouche répondre quelque chose. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a rien à répondre. Il est là, alors pourquoi partirait-il ? Et bien qu’il ait déjà montré par le passé qu’on ne pouvait guère compter sur lui, il était prêt à tenir parole jusqu’au bout, ce jour là. Il lui devait cela. Et il ne regretta pas son choix lorsqu’il remarqua que la demoiselle était si retournée qu’elle en coinçait sa veste dans la portière. Aucun sourire moqueur ne déforma ses traits. Comme à son ordinaire, il resta placide et énonça clairement qu’il la suivrait jusqu’au lieu fatidique. Il se sentit bien penaud lorsqu’il vit la demoiselle se battre avec le bouquet de fleurs. Cela ne lui avait même pas traversé qu’elle aurait peut-être eu besoin d’aide. Il ne dit rien, mais il se renfrogna un peu plus dans sa petite bulle de toile. Et cela ne fit qu’empirer lorsqu’il la vit maladroitement glisser sur le sol. N’importe qui se serait précipité pour offrir son aide à une si charmante demoiselle… Pas Flynn Nielson. Non, lui, de son regard vide l’observait se redresser et murmurer un timide : « Faites pas attention... Ça m'arrive tout le temps. » C’était exactement ce qu’il faisait. Il n’accordait pas une once d’attention à la jeune fille. Pourquoi ? Encore une fois, son père était ancré dans chacune des parois de sa mémoire et sa voix semblait résonnée en lui. Flynn était mal à l’aise et honteux. Mais il n’arrivait pas à se montrer plus attentif. « Vous devriez faire attention et regarder où vous mettez les pieds. Un jour, ça finira mal. » Il ne voulait pas se montrer méchant ou la faire rougir davantage, c’était simplement sa manière d’agir habituelle. Certes, peu flatteuse, mais c’était ce qui faisait son charme… Ou pas.
Cette journée est l’une des plus étranges pour le jeune Nielson. Il faut dire que ce n’est pas tous les jours qu’une jeune fille en talon haut lui ouvre une porte avec une galanterie qu’il ne possédera jamais lui-même. Mais là encore, il se contente de suivre la jeune fille dans ce silence morbide qu’il déteste mais qu’il ne parvient pas à rompre. Et cette main qu’il ne connait pas qui se glisse dans la sienne pour se serrer contre sa paume… Flynn n’aime pas ce genre de contact. Flynn n’est pas de ces gars que l’on tripote et que l’on emballe avec des gazouillis. Flynn, c’est le type distant et froid qui ne saura jamais vous montrer combien il vous aime. Et ce, même si vous êtes la prunelle de ses yeux. Mais il ne réagit pas. Il ne referme pas ses doigts sur cette main délicate, mais il ne la rejette pas non plus. Il se contente d’être un appui, dans l’espoir vain de ne pas être totalement inutile. Lorsqu’ils arrivent face à la pierre tombale, Flynn est désarmé. Il ne comprend pas. Son regard vide d’intérêt lit chaque nom un à un et essaye d’en déchiffrer le personnage. Comme s’il pourrait, à travers ces quelques mots, comprendre la jeune fille qu’il accompagnait. « Vous m'aidez ? » Il redescend alors sur terre et regarde la jeune fille qui s’agite avec son énorme bouquet de rose. Il comprend alors qu’il faudrait faire de la place pour le placer à un endroit stratégique. « Oh, bien sûr ! J'aurais déjà du prendre les fleurs, j'espère que vous me pardonnerez pour toutes ces erreurs de galanteries. » Avec délicatesse et attention, Flynn dispose les bouquets et pots de manière à laisser assez de place à celui que lui-même à confectionner. Lorsque la demoiselle le pose, il l’observe et avec un léger sursaut d’orgueil, il se dit que c’est le plus beau.
Ils sont désormais là, tous les deux et la seule chose qu’ils font, s’est regarder les noms inscrits sur la pierre. Sans aucun jeu de mot, un nouveau silence de mort régnait. Flynn avait une envie étrange de poser des questions sur ces gens, ces noms, cette pierre… Mais le pouvait-il ? N’était-ce pas déplacé ? Au fond, il avait déjà tout fait de travers aujourd’hui… Un peu plus, un peu moins ! Alors, sans hésiter, il se lança dans un petit soliloque absurde sur… le gruyère. « Vous voyez le gruyère ? Il y a des tas de trous dedans. Et bien, je me demandais… Plus y a de gruyère, plus il y a de trous. Mais plus il y a de trou, moins y a de gruyère. Vous voyez ce que je veux dire ? Enfin… Ce que je veux dire c’est que... Cette tombe à l’air d’un gros morceau de gruyère, mais sans le fromage. C’est quoi tout ces noms ? Qui se cache là-dessous ? Avez-vous véritablement besoin qu’un fleuriste à la con vous accompagne pour de si majestueuses personnes ? » Flynn se tait soudain. Conscient d’aller trop loin. Alors en un murmure il déclare : « Je suis désolé. J’ai juste un problème avec la mort. » Il ferme alors les yeux comme pour empêcher des larmes invisibles de couler, mais tout le monde le sait : Nielson ne pleure pas.
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(#) Sujet: Re: Une virée au cimetière ❀ Flynn Dim 6 Mar 2011 - 18:13
A mon tour d'être désolée pour l'attente
« Vous devriez faire attention et regarder où vous mettez les pieds. Un jour, ça finira mal. » Oui bah là pour le coup, il a parfaitement raison. Ça va vraiment mal finir si ça continue, et cette idée ne m'enchante pas vraiment, ni ne me rassure. Je déglutit, m'imaginant déjà le pire des scénarios. Il faut absolument que j'évite de me balader trop près des précipices et des voitures. Ainsi que j'évite de manipuler des objets trop tranchants ou piquants. Et puis aussi les... J'effectue une petite moue désespérée. Si je continue comme ça, bientôt je devrais rester assise toute la journée dans un canapé énorme tout en mousse, sans bouger et que quelqu'un vienne me nourrir. Je me contente alors d'espérer qu'il me reste encore suffisamment de chance dans ma maladresse pour éviter le pire ou une fin tragique. Je lève les yeux sur le côté, m'imaginant déjà les gros titres des journaux. "Une femme tombe dans sa cuisine et avale sa fourchette. Elle n'y survivra pas." Un long frisson me parcours le dos face à cette atroce idée. Je dois vraiment avoir un grain quelque part pour penser à ce genre de choses. Il vaut mieux que je fasse le vide et me concentre sur là où je pose les pieds. Je note néanmoins que pas à un seul moment il n'est venu me porter secours. D'abord perplexe, je me demande ce qu'il avait en tête lorsqu'il me voyait me prendre le trottoir et basculer en avant, ou faiblir sous le poids du bouquet. Il devait bien se marrer. Je jette un coup d'œil vers lui et finit par sourire, amusée finalement. Je préfère qu'il me laisse gérer mes problèmes toute seule, ainsi j'ai moins l'impression d'être une attardée incapable de se fondre dans la masse. Je lui offre un sourire presque reconnaissant. Bon, j'ose espéré que quand même, si je me mettais à me vider de mon sang devant lui, il réagirait. Car là, ce serait bien moins amusant. Me laissant alors emporter, je lui fait part de ma pensée, dans ma délicatesse légendaire : « Espérons au moins que je fasse jamais d'hémorragie en votre présence, je suis pas sûre d'y survivre vu votre rapidité à réagir ! » Je me laisse emporter par un rire sincère, amusée de mes paroles. Mais je me ressaisit vite et me calme, réalisant que mes propos étaient peut-être un peu déplacé -comme souvent par ailleurs- et je m'empresse d'ajouter d'une voix confuse : « Désolé, c'est pas ce que je voulais dire. Enfin si bien sûr que c'est ce que je voulais dire, si je me mettais à dire des trucs que je ne voulais pas dire je vous dis pas l'angoisse. Mais ce que je voulais dire en fait c'est plutôt que... » Euh... J'en étais où déjà ? Je plisse le front, réalisant qu'encore une fois je me suis laissée submerger par un flot de paroles incompréhensibles. Je baisse la tête et finit par souffler : « Je ferais mieux de me taire. »
Nous nous retrouvons alors devant la tombe, tandis que mon cœur se comprime et que j'attrape sa main en guise de soutient. J'ai cette tendance à réagir de façon tout à fait naturelle et à ne pas m'encombrer des règles de bienséances et des limites à ne pas franchir parfois, tout ça par soucis de "politesse". Mais ça, je ne sais pas faire. Je suis pourtant quelqu'un de polie et de bien élevé. Mais voilà, je suis trop impulsive et naturelle. Quand je pense quelque chose je le dis, quand j'ai besoin de quelque chose je le demande et quand je veux faire quelque chose, je le fais sans hésiter. J'en ai déjà payé les frais auparavant, mais je suis comme ça et je n'arrive pas à changer cette partie de moi-même. Et même s'il arrive que je me fasse honte parfois, globalement j'aime ce côté très sincère que j'ai. Les mensonges et l'hypocrisie me mettent mal à l'aise et me rongent ensuite. Et je déteste vivre avec un poids sur la conscience. Enfin bon. Je me suis donc emparée de sa main, mais lui ne réagit pas. Il ne me repousse pas, mais il ne resserre pas non plus son étreinte. Je ne lui en veux pas, c'est normal. Je détache mon regard quelques instants de la pierre tombale pour le poser sur lui. Il semble si sérieux, si songeur. Comme si ce triste spectacle le touchait vraiment. Nul doute qu'il a lui aussi déjà croisé le chemin de la mort un jour. Un parent ? Un amour ? Un ami ? Je n'ose pas le questionner là-dessus, ce serait tellement indélicat de ma part ! De plus, j'ai déjà suffisamment l'esprit embrouillé et le cœur lourd pour ne pas avoir à m'encombrer de la peine d'une deuxième personne. Je décide donc de m'activer ou je sens que je vais m'écrouler et me mettre à pleurer dans ses bras si ça continue. Je lui demande donc de venir m'aider à installer le bouquet. Il semble sortir d'une certaine torpeur et s'avance rapidement en déclarant : « Oh, bien sûr ! J'aurais déjà du prendre les fleurs, j'espère que vous me pardonnerez pour toutes ces erreurs de galanteries. » Je pose les yeux sur lui, le regard pétillant. Je lui offre un grand sourire alors qu'il fait de la place et décale les bouquets déjà déposés. Je pose ensuite ce bouquet qui était en train de m'engourdir les bras en poussant un petit soupir de soulagement. Je me redresse ensuite et vint me placer à côté de Flynn pour l'admirer avec lui. Je pose une main douce sur son épaule et déclare : « Il est vraiment beau, vous pouvez être fier. Je suis sûre que ma famille est très contente de l'avoir. A présent, ils ont la plus belle tombe de ce cimetière ! » Je lui offre un grand sourire et réalise ensuite que mes paroles sont un peu... décalées. Est-ce qu'on peut dire que des morts sont fiers de leur tombe ? Je n'en suis pas si sûre, ce n'est pas très délicat. Je baisse les yeux et retira ma main, la mine gênée. Histoire de faire diversion, je prend le temps de répondre à sa précédente phrase en lui donnant un petit coup de coude complice dans le bras. « Hé, égalité entre les hommes et les femmes jusqu'au bout ! Pas de raisons qu'on proclame d'être au même niveau que vous pour ensuite vous demander de nous porter secours à chaque fois. De toute façon, la galanterie c'est trop cliché. » J'échappe un léger rire cristallin qui se perd dans l'air. Ça me fait tout drôle de rire là, devant cette tombe qui est la source de toutes mes angoisses, de toutes mes peines, de mes cauchemars aussi. Mais j'ai l'agréable surprise de réaliser que je ne culpabilise même pas.
Puis, un nouveau silence s'installe. Assez lourd, chargé en émotion. Je n'ose plus ouvrir la bouche, craignant de passer pour une fille futile incapable d'éprouver quoi que ce soit dans une telle situation. Et à force de ne rien dire, je me sens submergée par une peine violente et incontrôlable. Ma gorge se noue alors que mes yeux se mettent à briller de larmes cette fois. J'inspire profondément et soupire longuement, cherchant à évacuer tout ça. Mes lèvres tremblent discrètement. Je me passe une main sur le visage et essuie mes yeux comme une petite fille chagrinée. C'est au même moment qu'il reprend la parole. « Vous voyez le gruyère ? Il y a des tas de trous dedans. Et bien, je me demandais… Plus y a de gruyère, plus il y a de trous. Mais plus il y a de trou, moins y a de gruyère. Vous voyez ce que je veux dire ? Enfin… Ce que je veux dire c’est que... Cette tombe à l’air d’un gros morceau de gruyère, mais sans le fromage. C’est quoi tout ces noms ? Qui se cache là-dessous ? Avez-vous véritablement besoin qu’un fleuriste à la con vous accompagne pour de si majestueuses personnes ? » Troublée par l'éloquence de ses paroles, je tourne lentement la tête vers lui, le regard intrigué et perdu. Je reste silencieuse et le fixe, les mots ne viennent pas. « Je suis désolé. J’ai juste un problème avec la mort. » Je le vois alors fermer les yeux avec une force et une détermination qui me surprend. Je reste un peu perplexe. Je ne m'étais pas vraiment attendu à ça. Mais j'estime qu'il n'a pas à s'excuser. J'ai toujours apprécié les gens qui savaient être honnête et exprimer le fond de leurs pensées, même si c'était contre les règles morales. Je finis par prendre la parole, douce et posée. « A vrai dire non... Je n'ai rien comprit à votre histoire de gruyère. Enfin, si j'ai compris, mais je ne vois pas le rapport avec tout ça. » Je hausse un sourcil, en pleine réflexion. J'ai beau retourner ses paroles dans tous les sens non, je ne vois pas. Qu'importe, je ne pense pas que je ne pas comprendre m'empêchera de m'endormir ce soir. Je déglutit ensuite, réunissant tout le courage qu'il me reste pour répondre à ses interrogations. Je passe tout d'abord une main nerveuse sur mon front et la laisse ensuite glisser dans le haut de mes cheveux. J'ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais rien ne sort. Je me résigne alors quelques instants et scelle mes lèvres. Ce n'est qu'au bout de longues secondes que je finis par me lancer et tout balancer d'une traite sinon je sais que les mots vont se bloquer dans ma gorge et que je vais devenir muette pour le reste de la journée : « Tous ces noms, c'est ma famille. On avait une grande maison familiale à Fort Lauderdale, pas très loin d'ici. On est très famille chez moi vous savez, et on aimait se réunir tous ensemble. Mais la maison a brûlée. Et eux aussi. Je suis la seule survivante de l'incendie. Je... J'ai plus personne. » Mes derniers mots se brisent dans un sanglot alors que je m'éloigne de lui de quelques pas, lui faisant alors dos et croisant mes bras sur ma poitrine. Je me concentre pour me calmer et éviter de me transformer en fontaine. Je sais que j'ai déballé tout ça de façon un peu brute, mais je ne sais pas trop comment m'y prendre autrement. Au bout d'un moment, je finis par ajouter d'une voix faible : « Ça me fait du bien que vous soyez là. Je me sens moins seule. » Je finis par me retourner pour lui faire face et d'une voix navrée j'ajoute ensuite : « Je suis désolé de vous avoir trainé ici, je ne savais pas que vous aviez des difficultés avec la mort... Ce n'était pas très fin de ma part, je n'ai pas réfléchis. » Je me mord doucement le coin de la lèvre inférieure, réalisant encore une fois que je me suis laissée emporté. J'ai l'air maline maintenant à le confronter ainsi à ses démons. Décidément, je vais toutes les faire. Je me décide finalement à retourner vers lui, penaude. Mais évidemment, il fallut qu'il m'arrive quelque chose encore ! Je me pris les pieds dans l'angle d'une tombe et en voulant me rattraper je me retrouva à faire de grands pas maladroits en avant. Un arbre se trouvait justement en travers de ma route. Je le heurta en mettant mes mains devant moi de justesse et me retrouva la seconde qui suivit par terre, sur les fesses. Je gémis et passa ma main sur mon coude écorché. Je soupirais, désespéré de mon cas. Énervée, je m'écriai : « Putain ! Mais fait chier quoi j'en ai marre. Je voudrais juste avoir une journée normale pour une fois. Ça me les brise franchement ! Et puis je.. aïee ! » Mon coude me faisait vraiment mal, c'était bien ma veine. Me souciant peu du fait que mes paroles assez grossières aient pu le choquer, je décidais de rester assise par terre, blasée. Au moins ici, il ne pourrait plus rien m'arriver. Enfin, j'espère.
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(#) Sujet: Re: Une virée au cimetière ❀ Flynn Jeu 10 Mar 2011 - 15:29
Flynn n’avait pas l’habitude de se sentir à l’aise en compagnie d’autres personnes. Il avait toujours cette peur étrange de les décevoir ou de les heurter avec l’une de ses quelconques phrases. Avec un peu de temps, il s’habituait aux gens et alors, il n’hésitait plus à être lui-même. Un enfant un peu trop joueur dont les blagues ne font rire que lui. Mais au moins il n’avait plus peur. Alors qu’avec les inconnus, ceux qu’ils n’avait vu qu’une fois dans toute son existence, il ne parvenait pas à l’être. Il était mal à l’aise. Il lui fallait beaucoup plus de temps pour apprivoiser les autres. Il y avait bien sûr quelques exceptions. Jisel, par exemple. Avec elle, il n’avait jamais hésité à être lui-même. Mais c’est parce qu’elle le lui rendait bien. Tandis que face à Louna, Flynn ne savait véritablement comment réagir. Il ne la connaissait pas et il avait peur d’en dire trop. De laisser glisser une phrase qui lui brûlerait les ailes. Alors il se complaisait dans son silence. Avec l’espoir vain qu’elle le briserait seul. « Espérons au moins que je fasse jamais d'hémorragie en votre présence, je suis pas sûre d'y survivre vu votre rapidité à réagir ! » Et elle laisse échapper un rire qui laisse Flynn interdit. Il a l’impression que c’est un reproche. Alors, il se renferme un plus dans sa coquille. Ce n’est pas comme cela que l’on gagne la partie, avec lui. « Désolé, c'est pas ce que je voulais dire. Enfin si bien sûr que c'est ce que je voulais dire, si je me mettais à dire des trucs que je ne voulais pas dire je vous dis pas l'angoisse. Mais ce que je voulais dire en fait c'est plutôt que... » Les femmes sont des problèmes à toutes seules, dès qu’on essaye de les comprendre : on creuse sa tombe. Le jeune homme n’essaya donc même pas. « Je ferais mieux de me taire. » Peut-être que cela valait mieux pour lui, oui. Peut-être. « Je sais bien que je ne suis pas très réactif… Mais… Enfin, voilà quoi. » Oui, enfin voilà quoi. C’est tout ce que lui avait à dire sur le sujet. En d’autres circonstances, avec une personne qu’il aurait davantage connu, Flynn se serait laissé aller à un sarcasme. Là, il n’avait ni le courage, ni l’envie de le faire.
Et voilà que face à la tombe, Flynn s’emmêle quelque peu les pinceaux. Il aurait du l’aider, lui montrer son soutient, ou faire quelque chose… mais étrangement, quelque chose semblait bloqué en lui et il n’arrivait pas à s’en détacher. « Il est vraiment beau, vous pouvez être fier. Je suis sûre que ma famille est très contente de l'avoir. A présent, ils ont la plus belle tombe de ce cimetière ! » Flynn sourit de cette réplique. Le bouquet est joli, oui. Mais ce n’est pas le plus beau qu’il ait fait. A vrai dire, il déteste en confectionner pour des évènements aussi… déprimants. Il préfère mille fois assembler des fleurs d’amour, de pardon, de soutien… Mais celles qui disent : au revoir, il déteste. « J’ai beau être fleuriste, je vois pas l’intérêt de déposer des fleurs sur une tombe… » Il n’avait pas réfléchis, la phrase était sortie toute seule. Il rouvrit la bouche avec une certaine appréhension, comme s’il n’était plus maitre de ce qui en sortait. « Je veux dire… Votre famille peut pas être contente… Elle est… enfin, vous voyez quoi. On peut pas savoir ce genre de chose. Tant que j’aurai pas rencontré quelqu’un qui en est revenu, je croirai pas à ces histoires de paradis et d’enfer. C’est des fantaisies qu’on raconte aux enfants malades pour qu’ils n’aient plus peur de partir… » Il était persuadé de ce qu’il avançait. Et sans doute n’avait-il pas tort. Mais soit, ce sujet était bien trop déprimant pour qu’ils s’y laissent enfouir pendant des heures. Il s’excusa alors de manquer de galanterie, comme on dit. « Hé, égalité entre les hommes et les femmes jusqu'au bout ! Pas de raisons qu'on proclame d'être au même niveau que vous pour ensuite vous demander de nous porter secours à chaque fois. De toute façon, la galanterie c'est trop cliché. » Exact. « Oui, mais vous… Vous en avez besoin ; vous ne tenez pas sur vos deux jambes ! » Un petit sourire amusé s’installa alors sur ses lèvres. Il n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi maladroit.
Et maintenant que le silence à repris, Flynn remarque que Louna est en proie au chagrin. Que ses yeux s’embrument de larmes et qu’il ne peut l’aider. Alors, il sort une théorie bidon sur le gruyère. Avec l’espoir vain qu’elle ne remarquera pas qu’il y a n’a pas véritablement de rapport avec la situation. Mais cela lui permet d’évacuer son propre stresse. « A vrai dire non... Je n'ai rien comprit à votre histoire de gruyère. Enfin, si j'ai compris, mais je ne vois pas le rapport avec tout ça. » Et bien visiblement, elle a bien compris qu’il n’y avait aucun rapport avec tout cela. « Désolé. » murmura le jeune homme. Son regard était encore porté sur les noms qui figuraient sur la tombe immense et il n’osait plus regarder la jeune femme à côté de lui. Il savait qu’elle n’allait pas bien et l’observer lui donner l’impression d’être un voyeur. Il attendit alors sagement tout en lisant pour la nième fois chaque nom avec intention. « Tous ces noms, c'est ma famille. On avait une grande maison familiale à Fort Lauderdale, pas très loin d'ici. On est très famille chez moi vous savez, et on aimait se réunir tous ensemble. Mais la maison a brûlée. Et eux aussi. Je suis la seule survivante de l'incendie. Je... J'ai plus personne. » Le visage de Flynn se ferma. Ce n’était pas juste. Pourquoi faut-il toujours que le destin gâche l’avenir des belles familles ? Pourquoi fallait-il qu’il la fasse pleurer ainsi ? Un petit silence naît à nouveau mais Flynn refuse de le briser. Pour dire quoi, au fond ? « Ça me fait du bien que vous soyez là. Je me sens moins seule. Je suis désolé de vous avoir trainé ici, je ne savais pas que vous aviez des difficultés avec la mort... Ce n'était pas très fin de ma part, je n'ai pas réfléchis. » Flynn se mordit la lèvre inférieur. Oh non ! Il ne voulait pas qu’elle se sente mal à l’aise vis-à-vis de ses petits problèmes personnels. « Ne vous en faites pas. Je suppose qu’il faut parfois à prendre à dompter ses… peurs. » Oui, il le fallait parfois…
Elle voulu alors le rejoindre à nouveau, bien que lui aurait préféré qu’ils ne s’attardent pas trop longtemps. Et tout en se dirigeant vers lui, multipliant les maladresses, elle se retrouva les fesses par terre. Elle observa alors son coude ensanglanté avant de s’en plaindre. « Putain ! Mais fait chier quoi j'en ai marre. Je voudrais juste avoir une journée normale pour une fois. Ça me les brise franchement ! Et puis je.. aïee ! » Assise par terre, elle ne semblait plus vouloir bouger. Et sans crier gare, Flynn se mit à éclater de rire. Il n’arrivait plus à se ravoir, prit dans son fou rire, il commençait doucement à avoir les abdos qui le faisait souffrir. Au bout de quelques minutes de rire franc, il essaya de reprendre son souffle tout en articulant quelques mots. « Je suis désolé. Mais vraiment, tu es phénoménale ! » Il continua de rire, ne se rendant même pas compte qu’il l’avait tutoyé aussi aisément. Il finit tout de même par se reprendre pour de bon et lui tendit la main pour l’aider à se relever. « Allez, viens… Je peux te tutoyer, hein ? De toute façon, j’ai failli voir ta petite culotte… Je crois qu’on peut se le permettre ! » Ca y est, il était déridé, maintenant ça irait mieux. Il aurait sans doute plus de facilité à s’exprimer. « Je crois sérieusement que tu manques de coordination, tu sais… »