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Le cours venait de se terminer. Des troupeaux, élevés en masse se dirigeaient vers la sortie du bâtiment le plus proche pour ensuite converger vers la cafétaria ou les snack bars alentours afin de remplir leur estomac qui criait famine depuis plus d'une heure. Rangeant ses affaires d'un air empli de lassitude, l'esprit ailleurs, le professeur de sciences criminelles ramassa la pile de copies qui venait de prendre place sur le bureau en chêne avant de quitter à son tour l'amphithéâtre désert. Vêtu d'une simple chemise noire qui moulait parfaitement l'ensemble de son torse, impeccablement sculpté soit-dit en passant, notamment pour un prof non expert dans le domaine sportif, et d'une veste en cuir marron qui le protégeait de l'hiver qui, peu à peu, s'installait dans la région, ainsi que d'un jean noir également et de baskets, le professeur donnait une curieuse impression d'homme à l'aise dans sa peau, conscient que son charme énigmatique faisait de l'effet sans qu'il ait besoin de porter du Gaulthier ou autre vêtement de luxe qu'ont l'habitude d'emprunter certains de ses collègues masculins un peu trop enclins à se faire « bien voir », sinon remarquer, de leurs étudiants. Jason était tout sauf ce type de professeur. En fait, il était la solitude et la discrétion personnifiée. Du moins, en tant que tel, il n'en était rien concernant le regard que portaient sur lui ses propres étudiants qui le considéraient davantage comme un véritable sujet de discussion, se demandant sans cesse ce qu'il avait bien pu subir pour être devenu cet homme charismatique, cynique et froid qu'ils côtoyaient chaque matin.

Traversant la grande cour, c'est alors qu'il la remarqua. Assise à l'ombre d'un arbre monstrueux, la jeune femme était occupée, toute concentrée qu'elle paraissait être, à dessiner l'envers d'un décor qui le fit sourire malgré lui. Elle avait du talent, il aurait été aveugle de le nier. S'approchant un peu plus sans faire de bruit ni de mouvements précipités au cas où sa présence gênerait, Jason s'arrêta au dos de l'artiste, appréciant sans en avoir l'air l'esquisse sur la feuille à moitié blanche.

Ses gestes étaient minutieux et rapides. Elle savait ce qu'elle faisait et y prenait un plaisir manifeste. L'agitation environnante lui semblait loin, elle n'y prêtais aucune attention. Le paysage prenait peu à peu forme sous son crayon de bois. Rien ne semblait capable de la détourner de son oeuvre. Ses cheveux chatains étaient remontés sur sa nuque en un chignon qu'elle avait visiblement fait à la va-vite. Un crayon de bois le tenais la jeune femme posa rapidement l'autre à ses pieds, détachant son chignon sans se soucier de la façon dont ses cheveux retomberaient sur ses épaules, elle continua son dessin. Peu à peu, la cours devint un lieu où fleurissait son imagination. Son oeuvre prenait peu à peu forme. Et on pouvais désormais découvrir quelques silouettes parmis les diverses bribes de vegétation qui sortaient apparement tout droit de l'imagination de la jeune femme. Rien ne pouvais la déranger. Elle était plongée dans son oeuvre. Cependant. L'arrivée discrète du jeune professeur dans son dos la fit réagir. Elle sentais cette présence. Elle n'aimait pas ça. Pas du tout. Ses coups de crayons se firent alors plus hésitant. Elle ne parvenait pas à dessiner si on l'observait. La présence de cet inconnu dans son dos lui déplaisait au plus haut point et elle posa son crayon de bois sur la feuille, se tournant faiblement, elle se rendit compte que ce regard curieux n'était pas celui d'un élève un peu tro avide de savoir qui était vraiment celle que personne ne voyait. Son regard était caché derrière ses cheveux tombant. Elle ne comprenait pas ce qu'il lui voulait. Elle se souvenait vaguement de ce prof'. Ce n'était pas un enseignant qu'elle avait. Autrement dit, il n'aurait pas du apprecier l'art. Plutôt la science, ou un truc du genre. Olivia l'interrogeait du regard, enfin, du regard chevelu qu'elle pouvait avoir sur lui.

Au moins avait-il là quelque chose en commun, aussi subtil soit-il. Le professeur non plus n'aimait pas se sentir observer. Que ce soit lorsqu'il grattait sa guitare dans un coin aussi paumé que...paumé, ou lorsqu'il peignait – même si ses oeuvres à lui n'avaient absolument rien à voir avec les magnifiques esquisses de cette jeune personne – ou encore, lorsqu'il était occupé à corriger les copies des élèves en cours – quel professeur ne l'a pas fait me direz-vous – et que l'élève en question se mettait dans son dos pour lire par dessus son épaule. Alors là, il s'agissait pour lui du paroxysme de l'agaçement. Aussi, évitez de le prendre par surprise, vous-mêmes risquerez d'être fort désagréablement surpris. Aussi, lorsque Olivia se retourna intentionnellement pour savoir qui donc avait le mauvais goût de venir la déranger dans sa tranquillité, Jason dut plaider coupable, un faible sourire apparaissant sur son visage et disparaissant presque aussitôt.

« Veuillez m'excuser. Je n'ai pu m'empêcher d'admirer vos talents mademoiselle. » murmura le professeur d'une voix grave à l'encontre de la jeune femme.

Il n'avait pas tellement l'habitude des présentations, encore moins dans ce lieu dit. Cependant, à n'en point douter, Olivia devait avoir deviné son identité. Il était, hélas, tristement célèbre dans l'établissement. Tant par ses qualités exceptionnellement associable que par son tempérament de feu, ses airs mystérieux et non moins cyniques lorsqu'il s'agissait de « punir » comme il se devait un étudiant qui avait eu l'idiotie de ne pas faire correctement son boulot. Alors oui, elle devait forcément savoir qui il était. Ne faisant aucune remarque de plus, se contentant de rester immobile dans son dos, Jason crut bien faire en s'éloignant vers le premier banc qui lui tomba sous le nez, autant dire à un mètre à peine de là – d'ailleurs, il en vint à se demander pourquoi cette jeune fille préférait s'asseoir sur l'herbe plutôt que sur ce dernier -, et continua d'observer de « loin » son travail d'artiste, relevant méthodiquement chaque trait, chaque détail avec soin qui n'avait d'égal que sa propre minutie en la matière.

Allez savoir pourquoi cet homme avait observé les geste de la jeune brune. Elle ne releva pas et repris son travail, avec toujours la même rapidité. Elle ne semblait pas se soucier de son estomac qui voulait lui dire de cesser ses gribouillis sur ce bout de papier si insignifiant. Olivia semblait s'énerver sur sa feuille. L'apparition du professeur n'avait pas été une bonne chose, il l'avait tellement déconcentrée qu'elle ne parvenait même plus à dessiner. Ainsi donc elle posa rageusement son crayon à côté d'elle et cessa tout mouvement. Un long soupir bruyant vint alors jusqu'aux oreilles du professeur. Olivia venait de jeter l'éponge. Première fois qu'une chose pareille lui arrivait. Elle posa tout son attirail et laissa la feuille à l'endroit même où ses fesses étaient posées auparavant. Jetant son sac sur son épaule, elle ne pris même pas la peine de ramasser la feuille encore en parfait état et à moitié griffonnée et partit à grandes enjambées dans la direction inverse de celle dans laquelle se trouvait le professeur.

Il l'avait dérangée et ça l'avait foutrement vexée. Elle qui avait eu un éclair d'imagination, il a fallu qu'un stupide type qui se prend pour je ne sais qui vienne la déranger dans son travail. Elle avait un book à faire pour la fin de l'année, je crois que personne ne l'avait compris ça. Elle ne posa même pas un regard sur la feuille blanche posée au milieu du gazon verdoyant et allait traîner ses vieux sabots plus loin. On ne pouvait même plus être seule maintenant. Toujours un regard curieux qui se posait sur soit. Évidemment, c'était un regard curieux qu'il avait eu. Il n'existait personne qui s’intéressait au travail d'Olivia. Appars les... Profs.. Mais, mince, cet homme était prof, alors il aurait peut-être pu apprécier le travail qu'avait fait Olivia ? Oh et puis mince, qu'est-ce que ça pouvait bien faire.

Les artistes ont souvent cette méfiance un peu étrange concernant le monde environneant, vis à vis du fait que des yeux innocents ou malveillants, mais dans ce cas il ne leur serait rien révélé, puissent constater par eux-mêmes la beauté de la toile présentée. Dans le cas d'Olivia par exemple, il lui paraissait évident que sa présence la dérangeait. Hélas, le professeur ne semblait pas tellement au fait de la situation. Toute cause a des effets n'est-il pas vrai ?! Alors pourquoi gênait-il autant la demoiselle ?! Il aurait très bien pû lui poser la question certes, sauf que l'homme était pratiquement certain que la réponse ne conviendrait pas. Elle ne voulait pas de lui parce qu'elle ne voulait pas de lui, c'était aussi simple que ça. Et puis, sans prévenir, la jeune fille se leva, brutalement, comme pour lui faire implicitement remarqué ce qu'il venait d'entraîner comme conséquences, laissant là une feuille de brouillon encore toute chiffonnée, avant de s'éloigner sans plus de considération que cela. S'il n'avait s'agi que de son attitude en elle-même, Jason n'aurait sans doute rien dit, trop occupé par le bouquin qu'il avait dans les mains pour s'enticher d'une gamine incapable de faire la part des choses et de se laisser admirer son travail par un amateur passé maître dans l'art de mystitifier ses agissements. Cependant, et dommage pour Olivia, Jason tenait tout particulièrement au réchauffement climatique, aux répercussions que pouvait donc entraîner une simple feuille de papier abandonnée comme une pauvrette dans l'herbe. Sans parler des agents d'entretien qui passaient leur temps à faire l'aller-retour à longueur de journée.

« Mademoiselle. N'oubliez pas votre brouillon. » intervint alors le professeur sans même lever les yeux de son livre, mais avec la ferme intention, si l'étudiante ne se décidait pas à revenir, de lui courir après pour lui remettre en mains propres le fameux papier.

La jeune femme ne fit d'abord pas mine de bouger, se contentant de rester immobile comme si elle n'avait pas entendu ses premières recommandations. Attention jeune fille, on ne joue pas à ce petit jeu avec moi, ça pourrait mal se terminer pensa inutilement le professeur en voyant Olivia revenir sur ses pas.