Ça bavassait joyeusement au Parkwest Nightclub. J'étais là pour une soirée, Louise m'avait forcé à venir. Elle avait prétexté qu'elle aurait jamais le cran d'y aller toute seule. Et je l'avais accompagnée. Elle avait beau être particulièrement amicale et accueillante, Louise était assez timide. Et maintenant, je l'avais perdu de vue dans la foule. Ça sautait, ça dansait, ça criait, et les enceintes crachaient des
tump tump tump tump assourdissant qui martelaient le tempo sur lequel se dandinaient des personnes pour la plupart inconnues à mes yeux. Je m'étais donc mise en retrait, près du bar, où j'avais commandé un verre de whisky que j'avais vidé tranquillement. Ma robe -joyeusement décolletée sur le devant- attirait quelques regards masculins qui s'approchaient et discutaient un court moment avec moi. Et puis, je finissais par décrocher de la discussion, pas follement passionnante. Pour le moment, une remix de
4 Minutes, de Timberlake & Madonna passait à un degré de décibels très élevé.
Je ne venais pas souvent dans la boîte de nuit. Généralement, j'étais invitée dans des fêtes chez certaines personnes, ou sur les toits. Je préférais, l'air y était plus abondant, et on ne risquait pas de faire de mauvaises rencontres -quoique, j'y croisais régulièrement et à regret Connors, cette garce. Pourtant, ce soir, j'allais me faire une amie, encore une fois, alors que pour une fois, je n'avais pas cherché les ennuis, ils m'étaient tombés dessus tout seuls. Une substance liquide coula soudainement dans mon cou, tout en trempant ma robe alors que je n'avais rien fait de mal !
« Enchantée, moi c'est Kayslee ! »
Ça allait devenir explosif. Je venais de me retourner, et je toisais l'imprudente qui venait de faire une telle idiotie. Oh, je ne devais pas vraiment faire peur, le haut de ma robe trempé, tandis que l'odeur de l'alcool montait à mes narines. Génial, en plus, ça n'avait pas été un verre de jus d'orange qu'on m'avait galamment renversé dessus. Il allait y avoir un meurtre.
Enfin, il y aurait eu un meurtre si j'avais été d'une nature plus violente que je ne l'étais. Au contraire, j'étais généralement incapable de faire du mal à une mouche -sauf si cette mouche s'appelait Grover et qu'il m'énervait à me chatouiller comme un sombre débile- et tout ce que j'avais pu faire jusqu'à maintenant, depuis le moment où l'alcool avait coulé le long de mon cou, ça avait été de pousser un cri suraigu de surprise -qui ne put couvrir cependant pas la chanson qui était crachée par les enceintes.
Je fixais donc la peste qui avait osé s'en prendre à moi, et si les regards avaient pu tuer, elle serait morte sur le champ. Et mes lèvres formèrent distinctement les charmants mots que je me ferais un plaisir de vous transcrire en VO-sans-sous-titres :
You little snivelling bitch. Un compliment, bien entendu. N'allez pas croire que j'étais de ces personnes qui insultaient des parfaits inconnus juste parce qu'ils venaient de leur foutre en l'air leur soirée. Non, pas du tout.
Elle s'appelait Kayslee. Elle n'était pas bien partie pour être mon amie. Mais j'étais adulte, et quand bien même l'envie de lui jeter mon verre -vide- à la figure pour voir si le verre s'incrustait bien dans la peau des petites typées hispaniques, je ne le ferais pas. Se comporter en adulte était particulièrement difficile dans ce genre de situations. Tous mes muscles étaient tendus, et une bonne partie de mes pensées étaient toutes dirigées vers l'assassinat de cette garce.
Au final, si elle ne s'était pas présentée sur ce ton joyeux et qu'elle n'avait pas fait ce qu'elle venait de faire, j'aurais pu prendre ça pour de la maladresse. Mais ça n'était pas le cas. Elle voulait des ennuis. Elle cherchait la querelle, et se complaisait sans doute des raisons pour se crêper le chignon avec quelconque. Aussi, noble et géniale, je n'allais pas céder à sa demande implicite. Et après l'avoir toisée de haut en bas -je la dépassais- je passais ma main dans ma nuque et observai la légère coloration rougeâtre. Du vin, en plus.
Si j'avais été aussi sanguine que mon frère, j'aurais sans doute été en train d'étrangler cette peste. Mais je me contentais d'esquisser un sourire moqueur, et je prenais la direction des toilettes, histoire de me rafraîchir et de voir si il n'y avait pas un moyen de nettoyer ma robe. Cependant, sur mon passage, j'empoignais le bras de cette dénommée Kayslee, tout en prenant soin de m'exprimer assez fort :
« Génial, je cherchais quelqu'un pour me nettoyer ma robe ! »
Allez savoir pourquoi, en mon for intérieur, je doutais que ça ne soit la meilleure idée que j'aie eu de toute la soirée… Mais quand nous arrivâmes aux toilettes de femmes, elles étaient vides, comme si elles avaient attendu notre arrivée. Une fois la porte fermée, je reprenais :
« Je peux savoir ce qui t'as pris ? »
Non, non. Pas de "vous", pas de respect. Pas avec ce genre de garce.