Elle boîte. Errant dans les rues sombres de la ville. Quelques lampadaires offrent un éclairage sommaire. La brune marche avec difficultés. Son visage se crispe à certains mouvements. Maudite balle prise dans la cuisse. Mauvais endroit, mauvais moment. Comme d'habitude avec Nyssa. Elle enchaîne les coups foireux et trouve à chaque fois le moyen de s'enfoncer davantage. Comme ce soir. Elle a la dalle. Elle n'a pas bouffé depuis 48 heures. Elle veut aussi nourrir son chien. Il est là. Retenu à la laisse. Seul compagnon valable pour la demoiselle. Elle voit un pauvre type qui marche. Costard – cravate, allure de l'époux parfait qui doit sûrement retrouver sa maîtresse avant de regagner le domicile familial. Pathétique qu'elle pense avant de presser le pas malgré la douleur que ça cause. Elle se hisse à sa hauteur, fait mine de lui rentrer dedans pour lui piquer son portefeuille. La brune croit y arriver. Elle se met à courir, balançant quelques injures au passage quant à cette douleur. Même si elle a été soignée par ce mec. Même si elle l'a revu pour s'assurer que ça s'infecter pas. Elle connaît rien de lui. Elle sait même pas pourquoi il a tellement cherché à se soucier de son état. C'était qu'une rencontre hasardeuse dans un contexte merdique. Elle doit se tirer. Elle ne doit surtout pas se faire rattraper par le blaireau de bcbg. Mais c'est sans compter sur ce flic. Ce maudit flic. Ben. Un foutu vendu pour la ville. Un pauvre con qui croit mener le jeu parce qu'il a une plaque collée au torse. Elle a l'habitude de lui maintenant. Elle a fini par se retrouver au poste des centaines de fois. Elle a croisé son regard à n'en plus finir. Elle a sourit ironiquement rien que pour l'emmerder. Elle a usé des insultes en pensant que ça lui sauverait la peau de son cul. Elle a même tenté le charme. A chaque fois, le flic est resté impassible. Pourtant ça l'empêche pas d'être intrigué. D'avoir voulu creuser ce qui se planquait derrière la sauvageonne qu'est Nyssa. En vain. Parce qu'elle ne parle pas. Elle ne dit rien. Encore moins quand ça la concerne. Encore moins quand c'est des blessures profondes. Elle a beau l'envoyer chier, il revient. Comme s'il attendait un truc. Comme s'il cherchait quelque chose. Et ça fait qu'accentuer la rage que Nyssa peut éprouver. Saleté de con. Saleté de flic. Il attrape le bras de la brune et la stoppe en pleine course. Il voit bien le portefeuille qui dépasse de la poche de son pantalon troué. Elle hausse un sourcil et le fixe sans baisser les yeux. Nyssa, elle baisse jamais le regard. Même dans les pires circonstances. Elle en a rien à foutre de se retrouver une fois de plus en cellule. Au moins, elle dormira au chaud. « Tu as encore merdé Kincaid. » Qu'il dit, ne pouvant s'empêcher d'esquisser un sourire cynique. Cynisme partagé par la principale intéressée qui manque de lui cracher au visage. Sa tête s'incline alors qu'elle le dévisage de haut en bas.  Elle bouillonne. Elle veut se casser au plus vite. Elle veut se tirer et oublier sa face de con. Sa face de fils à papa à qui la vie doit sourire. Sourire. Un mot que la brune connaît pas. Ou presque pas. Elle lâche un soupire et laisse un rire sarcastique franchir la barrière de ses lèvres à peinée rosée. « Et toi ? Toujours pas mort ? » Que la brune dit naturellement. Une réplique dite avec un naturel sidérant. La demoiselle continue de le fixer. Ses yeux sombres soutiennent ceux de l'agent de police. Il est là. Debout. Comme hypnotisé par son regard. A la bouffer des yeux avec ce sourire en coin. Un putain de sourire qui donne la rage à Nyssa. Ben, lui, il comprend pas grand chose à la situation. Il sait seulement qu'il en a marre de voir sa gueule au poste deux soirs par semaine. Qu'il en a marre de se faire insulter comme un malpropre. Qu'il en a marre de pas réussir à percer cette nana. D'habitude, il a pas de mal à voir le vrai visage des gens. A comprendre ce qui peut se tramer derrière la moindre carapace. Avec elle, c'est impossible, et ça le rend dingue. Littéralement.  « Ça te ferait trop plaisir. » Qu'il se contente de dire avec un sourire, aussi. Il soupire, lasse de ce manège. Il a encore une ronde à faire et il passera pas la nuit auprès d'elle pour un putain de portefeuille. Il se rapproche un peu plus d'elle, coupant court à la distance entre leurs deux corps. Elle se crispe d'un coup. Elle essaye de reculer pour pas se laisser apprivoiser. Il l'empêche en attrapant le poignet fin de la concernée. « Rends-moi ce portefeuille, et tu auras peut-être le droit de te tirer pour ce soir. » dit-il prêt à faire un bon geste pour ce soir. Sauf qu'elle s'en bat de son bon geste. Elle a besoin de fric, pas de la charité d'un abruti qui a rien d'autre à foutre ce soir. Nyssa se met à rire nerveusement et se défait de l'étreinte du flic « Va te faire voir. C'est pas comme si ce pauvre type manquait de fric. Alors fais comme si tu avais rien vu et on en reste là. » Elle s'apprête à partir, passant devant Ben avant de le voir la rattraper. Il la force à se retourner et à reculer. Le dos de la brune tape contre le mur et elle se crispe en veillant à ne pas perdre de vue son chien. Elle serre les dents. Sa mâchoire est tellement crispée, que ça en devient douloureux. Ça crame de partout. Cette putain de distance vient la faire se consumer. C'est comme les flammes des enfers. Se sentir prise au piège. Comme dans son enfance, comme quand elle devait essuyer les coups de son salopard de père. Dire amen, lui servir son verre et voir sa peau marquée par un tas d'ecchymose.  « Et si j'ai pas envie de m'arrêter là moi ? » Il souffle cette phrase à quelques centimètres de son visage. Elle sent sa respiration s'accélérer. Sa cage thoracique se soulève à une allure folle. Elle cherche à s'extirper de la situation. A se débattre. Mais cette fois ci c'est Ben qui prend le dessus. Il la laisse pas se casser, encore moins se montrer reine du moment. Elle essaye de mordre son bras et pousse un cri en espérant alerter les gens aux alentours. En vain. « Qu'est ce qui tourne pas rond chez toi, espèce de dingue ? » La voix du flic est rauque et autoritaire cette fois-ci. « Recules. RECULES ! » Qu'elle crie sans se soucier du reste. Elle étouffe. Elle suffoque. Elle le déteste. Elle a envie de fermer les yeux pour plus les ouvrir. Elle veut le voir reculer, le voir se barrer, et ne plus croiser son putain de chemin. Folle de rage, elle reprend le dessus. Elle attrape la gorge du flic en serrant de toutes ses forces. « Je vais te tuer de mes propres mains Ben. » Qu'elle dit, le regard presque brillant. Puis, résignée, elle le lâche, en commençant à partir. Elle peut plus rester ici. Elle peut plus le voir avec son regard de vainqueur. Ses lèvres se pincent et elle avance. Le flic, lui, reste pantois. Il se contente de la regarder s'éloigner. Lasse. « Je découvrirai bien ce que tu caches Kincaid. » Crie-t-il pour que la principale intéressée l'entende. Enième confrontation. Enième raté.